L’Argentine émet une “protestation énergique” contre la militarisation des Malouines par le Royaume Uni

Double déception britannique pour le président Mauricio Macri. Non seulement, le Royaume Uni n’a pas soutenu la candidature de la ministre argentine des Affaires étrangères au poste de secrétaire générale des Nations unies, mais malgré une série d’accords très favorables aux Iles Malouines signés par l’Argentine, le Royaume Uni y annonce des manœuvres militaires d’envergure.

Carte – ARTE TV

La politique de « retour dans le monde » du président Mauricio Macri lui a fait adopter une attitude plus que conciliante envers le Royaume Uni (RU) sur les Malouines. Envahies par la Navy en 1833, les habitants argentins en furent chassés et remplacés par des colons britanniques. Depuis cette période, l’Argentine n’a pas cessé de réclamer sa souveraineté sur les Iles. L’Assemblée générale des Nations Unies soutient la position argentine qui réclame l’ouverture de négociations que Londres a toujours refusées.

15 ans de revendications. Les gouvernements de Néstor Kirchner et de Cristina Fernandez ont toujours réclamé l’ouverture de discussions avec le Royaume Uni. Ils dénonçaient aussi systématiquement devant les Nations Unies la militarisation des îles. En effet, il y réside autant de militaires que de colons ! Le gouvernement britannique y a aussi envoyé ses navires de guerre les plus modernes au mépris des accords déclarant l’Atlantique sud « zone démilitarisée ». En novembre 2013, le Congrès argentin avait massivement voté une loi qui établissait des amendes et des peines de prison pour les responsables d’entreprises impliquées dans l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures sans autorisation du gouvernement.

Faux pas du président Macri aux Nations Unies. Lors du repas organisé par Ban Ki-moon, secrétaire général des  Nations Unies pour les présidents présents à l’Assemblée générale de septembre dernier, le président Macri affirme avoir tenu une brève conversation avec la Première ministre britannique, Theresa May, durant laquelle aurait été convenu que les deux pays entameraient très prochainement des discussions sur la souveraineté des Iles Malouines, un thème très sensible pour les Argentins. La chancelière argentine Susana Malcorra doit intervenir : « On parle plutôt de la possibilité d’une rencontre spécifique pour avancer sur de multiples thèmes ». Mais le mal est fait : moins de 24 heures plus tard, le Foreign Office démentait : « Le thème de la souveraineté sur les Falklands n’a jamais été abordé ; la Grande Bretagne ne s’est donc pas exprimée sur ce sujet à New York et aucune réunion n’est prévue ».

« Libérer les obstacles » au développement des Malouines. En septembre, Susana Malcorra, ministre argentine des Affaires étrangères, et Alan Duncan, vice-chancellier britannique signaient des accords extrêmement favorables aux Iles Malouines. Pour l’Argentine, le but était double : reprendre de bonnes relations avec la Grande Bretagne et recevoir un soutien britannique à la candidature de Susana Malcorra au poste de secrétaire-générale des Nations Unies. Par ces accords, l’Argentine s’engage « à adopter les mesures appropriées pour retirer tous les obstacles qui limitent la croissance économique et le développement durable des Iles Malouines ». Concrètement cela signifie donner aux « kelpers » (colons britanniques habitant les îles) et au RU toute liberté de commerce, de pêche, de navigation et d’exploitation des hydrocarbures dans des eaux territoriales que l’Argentine estime lui appartenir. Il s’agit d’un revirement majeur de politique étrangère du président Macri par rapport à ses prédécesseurs. Ce qui fait dire au député Daniel Filmus (opposition) : « Pourquoi l’Argentine n’irait-elle pas prospecter le pétrole en mer du Nord ? »

Une double déception. Les accords signifient que le gouvernement Macri ignore complètement les lois votées en 2013. Mais, comme dit le dicton, « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » et la réaction du gouvernement britannique le confirme. Tout d’abord, il n’a aucunement soutenu la candidature de Malcorra à l’ONU. Ensuite, il vient d’annoncer que des grandes manœuvres navales sont programmées d’ici peu autour des Malouines, qui comprendront des tirs de missiles Rapier à quelques encablures du territoire argentin. Consulté par le journal Página12 de Buenos Aires, le député Filmus fulmine : « Ce n’est pas possible que la ministre Malcorra, qui voulait être secrétaire générale des Nations Unies, n’exige pas le respect des résolutions approuvées par cet organisme en ce qui concerne les Malouines ». Ces résolutions demandent aux deux parties de se réunir pour négocier la souveraineté des îles. Londres n’a jamais respecté ces résolutions. Par contre, pour Michael Fallon, ministre de la Défense britannique, l’insistance argentine sur les Malouines représente une menace contre la sécurité des kelpers et donc en  justifie la militarisation extrême.

Embarras de l’Argentine. Bien embarrassé par cette « trahison » britannique, le gouvernement Macri a convoqué l’ambassadeur Mark Kent pour lui remettre une « protestation formelle et énergique ». Les analystes politiques considèrent que l’objectif militaire du RU est de contrôler toute la région sud-atlantique et donc l’accès à l’Antarctique dont de nombreux pays revendiquent des vastes portions en vertu des richesses minières qui y gisent.

Jac FORTON