L’Argentin Gustavo Malajovich nous propose « Le jardin de bronze »

Que demande-t-on à un roman noir ? Une intrigue qui tienne jusqu’à la fin, une ambiance qui nous impressionne, des personnages avec lesquels on puisse sentir des liens communs, un dénouement qui nous surprenne. Or on a tout ça et beaucoup plus encore dans ce premier roman de l’Argentin Gustavo Malajovich, jusque là scénariste pour la télévision, qui pour un coup d’essai signe là un coup de maître.

Tout commence avec la disparition inexplicable de Moira, la fille de Fabián Danubio, partie en métro avec la jeune Péruvienne qui s’occupe d’elle pour l’anniversaire d’une copine. Elles n’arriveront jamais à la fête. La police étant inefficace, Fabián se fait aider par Doberti, un détective privé légèrement marginal. À eux deux ils avancent, mais lentement. Il faudra une dizaine d’années pour que des réponses se fassent jour, qu’on en sache un peu plus, qu’on découvre enfin la vérité.

Pendant ces années on est proches de Fabián, qui tente de survivre malgré le vide laissé par la disparition de l’enfant, aidé par Doberti avec lequel, au-delà du contrat qui les lie, il établit une relation d’amitié, par des collègues et des proches, mais surtout soutenu par la volonté inébranlable de connaître un jour la vérité. Peu à peu son personnage prend de l’intensité aux yeux du lecteur, son caractère s’affine, se nuance, à tel point que parfois on se demande si on est bien toujours dans un roman noir, et non dans un roman purement psychologique. Fabián Danubio, au cours de son enquête, se découvrira lui-même tout en découvrant la vérité de la disparition de sa fille.  Malajovich, au long de ces cinq cents pages, prend son temps pour ne négliger aucun aspect de son ouvrage.

À côté de l’intrigue, qui avance lentement mais de façon constante, et de la psychologie, il nous montre des aspects de Buenos Aires, puis de la province argentine, peu abordés et peu montrés en général, il nous présente des personnages originaux, il nous invite à réfléchir sur l’absence, sur la responsabilité individuelle, il nous surprend aussi très souvent, par exemple en nous faisant sourire en plein drame ou au contraire en assénant un coup de théâtre au moment où on s’y attend le moins. Il sait changer d’atmosphère, de cadre, de style, avec une très grande virtuosité.

Bref, il domine parfaitement son récit, il sait nous mener exactement là où il le veut, plaisir immense du lecteur qui se sent la victime consentante du maître du jeu. L’intrigue est suffisamment complexe pour attiser l’intelligence du lecteur, mais suffisamment claire pour que son intérêt ne diminue jamais. Il y aura une suite, Fabián Danubio réapparaîtra, on l’attend avec impatience !

Christian ROINAT

Gustavo Malajovich : Le jardin de bronze, traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Fell, éd. Actes Sud (collection Actes noirs), 525 p., 23 €.
Gustavo Malajovich en espagnol : El jardín de bronce, Plaza y Janés, Buenos Aires, 2012 / Random, Barcelone, 2013.