La situation des réfugiés vénézuéliens au Chili se dégrade depuis la réélection contestée de Nicolás Maduro en juillet dernier. En effet, les Vénézuéliens voient leurs accès à des titres de séjour ou à un visa au Chili restreints et font face à des actes xénophobes croissants de la part d’une partie de la population chilienne.
Photo: OIM/ Gema Cortes
C’est plus de 7,7 millions de Vénézuéliens qui ont quitté leur pays depuis 2014 en direction principalement d’autres pays d’Amérique Latine. Cela représente un Vénézuélien sur quatre qui a quitté son domicile, phénomène particulièrement marqué depuis 2018. La destination principale des migrants vénézuéliens est la Colombie qui en accueille près de 2,9 millions, du fait de la proximité géographique et culturelle entre les deux pays. Toutefois, de nombreux Vénézuéliens tentent également leurs chances au Chili qui compte 533 000 réfugiés vénézuéliens en 2024, faisant de ceux-ci la première communauté étrangère au Chili.
Les Vénézuéliens quittent le pays du fait de la crise économique dans lequel le pays se trouve depuis une dizaine d’années. Les choix économiques des présidents Hugo Chávez et Nicolás Maduro ont entraîné la spécialisation de l’économie du pays dans l’exportation de pétrole, rendant l’économie vénézuélienne dépendante des fluctuations du prix du pétrole et de la demande mondiale. C’est pourquoi, face à la chute du prix du pétrole au début des années 2010 l’économie est entrée dans une grave crise économique entraînant une hyperinflation (+ 185 % en 2025). De plus, les politiques mises en place par Hugo Chávez et Nicolás Maduro par la suite ont empiré la situation. En établissant des contrôles sur les prix des produits ils ont causé des pénuries de médicaments et de nourriture, ce qui a eu des conséquences néfastes sur la santé des Vénézuéliens provoquant par exemple une croissance de la mortalité maternelle et infantile. Les conditions de vie sont également très difficiles au Venezuela du fait de salaires très bas mais d’un coût de la vie élevé à cause de l’hyperinflation. Par ailleurs, le pays a récemment fait face à des troubles sociaux et politiques après la réélection contestée du président Nicolás Maduro, lequel s’est proclamé vainqueur du scrutin présidentiel le 28 juillet 2024[1].
Ainsi, les Vénézuéliens sont de plus en plus nombreux à quitter leur pays en quête de conditions de vie meilleures. Toutefois, ils font face à de nombreuses difficultés au cours de leurs parcours migratoires. Tout d’abord, ils sont confrontés au manque d’hygiène et de nourriture. Ensuite, ils font la majeure partie du trajet à pied, en étant donc exposés à de nombreux dangers sur la route, que cela soit la faune et la flore inhospitalières ou les brigands et trafiquants d’humains. Les enfants et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables lors de ces trajets. Les Vénézuéliens qui migrent vers le Chili doivent traverser la Colombie, l’Équateur, le Pérou et la Bolivie principalement à pied. Ils sont donc souvent obligés de dormir dans la rue s’exposant alors à d’autres dangers. Ils doivent également faire face aux conditions météorologiques très dures, notamment des températures extrêmes. L’une des étapes les plus difficiles de leur parcours migratoire est celle du désert d’Atacama qui est le plateau le plus sec et le plus élevé du monde à près de 4000m au-dessus du niveau de la mer et avec des températures descendant en-dessous des -10°C.
Par ailleurs, aux difficultés liées au trajet s’ajoutent celles dans les pays d’accueil. La dégradation des relations diplomatiques entre le Chili et le Vénézuela depuis quelques années, se confirme depuis l’élection contestée de Nicolás Maduro en juillet 2024. En effet, le Chili avait reconnu Edmundo González (candidat de l’opposition) comme le vainqueur des élections, expliquant ainsi le refroidissement des relations diplomatiques entre les deux pays. En janvier 2025, les consulats respectifs de Santiago (Chili) et Caracas (Venezuela) avaient fermé leurs portes. Par conséquent, les Vénézuéliens peinent de plus en plus à obtenir les documents leur permettant de travailler ou de voyager malgré leur exil. De plus, le président chilien de gauche, Gabriel Boric, a durci sa politique migratoire afin de répondre aux protestations de la population chilienne, en restreignant les conditions d’accès aux visas et aux titres de séjours pour les Vénézuéliens. Ce renforcement des mesures sécuritaires et du contrôle de l’immigration depuis 2023 se comprend comme la conséquence de la montée du climat xénophobe au Chili. Pour Patricia Rojas (présidente de l’Association vénézuélienne au Chili), la progression de la xénophobie s’explique par la tendance croissante des Chiliens à associer la délinquance à l’immigration vénézuélienne. En 2021 et 2022, des manifestations ont eu lieu au Chili pour protester contre l’immigration vénézuélienne dans lesquelles des Vénézuéliens avaient été blessés. Ceux-ci sont donc victimes d’actes xénophobes de plus en plus nombreux, ajoutant une nouvelle difficulté à leurs parcours migratoires.
Yseult ROTURIER
[1] Voire l’article sur le site internet du 16 janvier 2025 https://www.espaces-latinos.org/archives/124894