« Les hommes les plus grands » un roman de l’Argentin Fabián Martínez Siccardi

Fabián Martínez Siccardi est un écrivain argentin né en 1964 qui a passé ses vacances d’enfance et de jeunesse à écouter des récits dans la ferme de ses grands-parents en Patagonie. Primé plusieurs fois, il signe avec Les hommes les plus grands un roman au souffle épique et mystique, entre la Patagonie, Turin et les méandres andins sur les traces d’un homme (inspiré de la vie d’un autre).

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Manuel Palacios Ranel naît en Patagonie au matin du XXe siècle. Fils d’un immigré asturien et d’une autochtone Tehuelche, il grandit dans la ferme qui emploie ses parents. À dix ans, on l’envoie faire ses études chez les salésiens et y trouvera moqueries, dénigrements et Dieu. Mais c’est alors qu’il joue les guides patagons pour un archéologue qu’il fera une rencontre qui bouleversera sa vie. Il partira se faire ordonner à Turin, et reviendra en Patagonie, poussé par deux missions qui se rejoignent : rendre aux Tehuelches leur histoire et leur humanité face aux Européens, et trouver d’autres traces, d’autres preuves de l’existence de cette bête étrange dont il a vu des peintures rupestres, ce bison unicorne aux allures divines, reste d’un culte ancien ou image d’une histoire encore plus ancienne ?

Il étudiera, en parallèle de la théologie, l’archéologie, l’anthropologie et la philologie afin de se nourrir des connaissances nécessaires au développement et l’étaiement de sa Grande Théorie, qui lie le peuple Tehuelche et le bison unicorne au dessein divin. De retour en Patagonie, la recherche de cette ombre antique ne lui fera pas oublier son autre flamme, et il continuera à présenter défendre et se battre pour la mémoire et la survie des Tehuelches, tandis que, longtemps préservés par l’immensité patagone, ils plient de plus en plus face à l’avancée des colons européens.

Les hommes les plus grands mêle avec justesse la lumière mystique et la lutte sociale, le vent de l’aventure et la rigueur des découvertes scientifiques. Avec son périple tant géographique qu’humain, Manuel Palacios se glisse dans les grandes questions humaines et scientifiques et dresse à la face du monde, un monde bien indifférent, la violence de la colonisation et des injonctions capitalistes sur la vie des Tehuelches. Longtemps épargnés par les distances et l’aridité qui se dressaient entre la Patagonie et Buenos Aires, ils subissent à leur tour la domination, la dépossession et l’assèchement des terres, les maladies, l’alcool, les viols… À ceux que les Européens, impressionnés par leur taille, ont nommé Patagons, ces Tehuelches, voisins des Mapuches, des Selk’nam ou des Kawésqar, Manuel veut rendre non seulement leur humanité arrachée par ces colons arrogants et destructeurs, leur sort, ce génocide nié et tu, voire applaudi, mais il sent que l’histoire de son peuple maternel s’inscrit de manière plus vaste dans l’histoire du monde, dans celle des peuples antiques d’Asie mineure, dans l’histoire de la Bible.

Un roman très fort et poétique porté par une narration délicatement surannée et pleine d’humour, dont les descriptions de l’immensité de la meseta patagone immerge encore mieux dans cette ambiance si unique et donne, au besoin, une aura mystique d’autant plus forte au chemin initiatique de Manuel.