Des femmes du monde entier prennent la parole à Paris lors de la Conférence internationale des femmes ce 8 mars 2024

Le 8 mars dernier, la Mairie de Paris a organisé une conférence «  En 2024 une femme = un homme ? une question de pouvoir » Cette matinée d’échanges a proposé des témoignages de parcours de femmes leaders autour de la condition des femmes du Sud au Nord. Plusieurs grandes figures de la lutte pour les droits des femmes sont intervenues lors de deux tables rondes portant sur les reculs des droits des femmes au XXIe siècle, et sur la position des femmes de pouvoir, des violences subies, et des droits à conquérir.

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La Maire de Paris, Anne Hidalgo a inauguré l’événement par plusieurs réflexions sur les droits des femmes et leur place dans le monde. « Nous avons ici des femmes qui ont passé leur vie dans l’engagement pour les femmes que cela soit dans le monde politique, économique, dans la société civile. Je veux vous dire ma fierté de vous accueillir. Vous avez changé la vie de milliers de femmes et d’hommes. Merci ! » Anne Hidalgo souligne les progrès accomplis pour les droits des femmes « mais la question des femmes reste toujours un question de droit donc une question de pouvoir.  Il y a des barrages qui se trouvent partout lorsque certaines femmes veulent accéder à certaines qualifications et certains pouvoirs ».  « Dans le monde , les fondamentalistes religieux s’attaquent aux droits les plus élémentaires comme en Afghanistan ou en Iran. Masha Amini en Iran est le symbole de cette nouvelle révolution des jeunes femmes ». Anne Hidalgo insiste ensuite sur la remise en cause des droits fondamentaux à décider de son corps « On le voit dans des pays que l’on pensait solides, aux Etats Unis, en Europe. La France vient au contraire de sanctuariser ce droit fondamental dans la constitution ». « Il y a aussi le problème des violences partout sur la planète (viols, meurtres  comme ultime preuve de pouvoir de vie et de mort). Le nombre de féminicides est impressionnant.. » Mais de conclure « Notre force et notre liberté de parole sont donc notre pouvoir contre ceux qui voudraient nous faire taire, les fondamentalistes, les conservateurs, les réactionnaires, et les fachos mais ils ne pourront rien, ils ont déjà perdu ! »  

Deux grandes figures pour l’Amérique latine sont intervenues : Michelle Bachelet et Dilma Rousseff. Michelle Bachelet,  plusieurs fois ministre,  deux fois présidente du Chili et ex- Haut -commissaire des Nations Unies  aux  droits de l’homme, et ex directrice de l’ONU Femmes, dit avoir toujours lutté pour le droit des femmes. Pendant sa présidence par exemple elle avait pu obtenir une dépénalisation partielle de l’avortement pour les cas de viols ou de risques pour la mère. Elle se dit préoccupée par le recul des droits des femmes dans plusieurs pays  aux gouvernements d’extrême droite ou ultralibéraux comme Bolsonaro  (2019 à 2023)  au Brésil et maintenant l’Argentine ( depuis novembre 2023) . En effet, le nouveau président  Javier Milei avec un discours anti-féministe a nié la  violence de genre et l’écart salarial entre hommes et femmes. Il a supprimé le ministère pour la condition féminine.  Et a ordonné d’interdire le langage inclusif et la perspective de genre dans toute l’administration publique. Et il menace de pénaliser l’avortement qui avait été légalisé en Argentine en 2020.Michelle Bachelet voit aussi le danger que représentent des mouvements d’extrême droite aux Etats Unis par exemple.

Mais elle veut insister aussi sur des aspects positifs dans d’autres pays comme la Finlande avec une présidente pendant 10 ans à la tête du pays ou la décision de la France pour inscrire l’IVG dans la constitution. « Cependant  nous sommes à un moment critique de notre histoire. Nous ne demandons pas des privilèges mais nous demandons l’égalité,  les mêmes droits ». Or, à l’échelle mondiale, les femmes n’occupent que 25% des sièges dans les parlements nationaux et 29% des postes de direction. Fin 2020 seulement 21 pays avaient une femme à la tête de leur gouvernement. Il s’agit plus d’un problème de discrimination que de capacité. « Il est important d’avoir des femmes en politique, ce qui sera bénéfique pour tous ». Elle a évoqué la  violence contre les femmes en général et en particulier dans la vie publique ainsi que la marginalisation pour les femmes  autochtones. « Mais il faut voir de l’avant, les choses peuvent changer car la lutte ne se termine jamais ! » 

Dilma Rousseff, ancienne présidente du Brésil et actuelle présidente de la Nouvelle Banque de développement pour les BRICS a insisté sur la lutte contre les inégalités pas seulement entre hommes et femmes mais aussi, par rapport aux personnes noires, aux peuples autochtones. « En Amérique latine, le capitalisme néo libéral concentre les richesses, Les noirs et autochtones sont les plus exploités. Et la pauvreté a le visage de la femme ». Une politique sociale passe par les femmes. Il faut garantir la démocratie avec une participation des femmes, lutter contre la violence (le Brésil sous Lula a promulgué la loi Maria da Penha considérée par l’ONU comme l’une des trois meilleures lois au monde en matière de violence à l’égard des femmes par des tribunaux spéciaux et des peines plus strictes, une politique de prévention…). Elle a insisté sur l’importance des politiques sociales avec accès au logement, crèches, assurer l’accès à l’éducation, garantir l’égalité du droit de travail à salaire égal, travail égal.  Dilma Rousseff a rappelé la procédure de destitution faite contre elle en 2016 qu’elle appelle « un coup d’État, une vraie entreprise de misogynie et manipulation médiatique ». 

Shirin Ebadi, avocate, Prix Nobel de la paix en 2003 pour son action en faveur des opposants au régime, en exil à Londres depuis 2009. Elle a parlé de la situation des femmes dans les pays islamiques, comme dans son pays en Iran où les lois sont très oppressives. En Iran, ils ignorent l’identité humaine. Et un homme vaut le double de la femme dans tous les actes de la société. Rappelons aussi le cas de Mahsa Amini en septembre 2022 à Téhéran, jeune étudiante iranienne de 22 ans d’origine kurde morte trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour « port de vêtements inappropriés » Cela avait provoqué de nombreuses manifestations dans le pays avec le mouvement  de contestation « Femmes, vie, liberté ». Une autre Iranienne, Narges Mohammadi a obtenu le Prix Nobel de la Paix en 2023 mais elle est actuellement en prison depuis 2021. Elle lutte elle aussi depuis de nombreuses années contre l’oppression des femmes et milite pour les droits humains. Shirin Ebadi a parlé aussi des femmes afghanes, « privées du droit à l’éducation, sans le droit de sortir de chez elles. C’est une culture patriarcale que les Talibans cherchent à imposer »  

Deux femmes afghanes étaient présentes à la conférence avec des témoignages bouleversants. Hamida Aman, fondatrice d’une radio « 35 femmes participent , nous répondons aux femmes sur des question de santé, nous apportons un soutien psychologique face à la dégradation de l’état mental de ces femmes ». « C’est un régime criminel. Les enfants voient leurs rêves brisés. Les gens quittent le pays quand ils le peuvent » 

Zarifa Ghafari, ex Maire en Afghanistan a demandé « une minute de silence » en solidarité avec toutes ces femmes. « Dans mon pays, être femme c’est être une criminelle ». Elles sont privées d’école, se sentent seules. On veut les effacer de la planète ! « Les Talibans ont repris le pouvoir en 2021 et maintenant c’est le silence dans le monde entier » « Mon  père a été assassiné par les  Talibans . J’ai une fille de 7 mois et je suis très inquiète » Les Talibans reçoivent de l’argent de l’étranger, des USA en particulier. Ce pays a reculé de 20 ans. C’est terrible…  

Le continent africain était représenté par plusieurs femmes dont Fatimetou Mint Abdel Malick, première femme dans son pays, la Mauritanie, à avoir été maire, puis maintenant gouverneure de Nouakchott. Elle a parlé de ses combats contre les discriminations et les inégalités sociales. Une tchadienne, Merem Tahar, activiste engagée pour la justice climatique en Afrique, est intervenue sur la question du changement climatique. 

Djaili Amadou Amal, militante féministe et écrivaine camerounaise, a évoqué les violences, violences conjugales, milite contre le viol. Mariée à 17 ans dans le cadre d’un mariage forcé, elle quitte son mari. Des années plus tard, victime de violence conjugale, elle quitte son deuxième époux. Elle s’est lancée dans l’écriture. À travers ses romans, elle dénonce les problèmes sociaux et les discriminations faites aux femmes. Son roman, Les impatientes, sélectionné au Goncourt, a obtenu le Prix des Lycéens en 2020.

Anne Gabrielle Heilbronner, présidente du Women’s Forum a insisté sur le travail non rémunéré, travail domestique effectué à 76% par les femmes encore maintenant. Avec les conséquences sur la vie des femmes, qui doivent arrêter de travailler pour certaines. Elle a évoqué un sondage sur l’importance des stéréotypes homme/femme présents aussi dans la jeune génération comme par exemple le fait que 42% considèrent que le cerveau des femmes est différent de celui des hommes !  Cécile Duflot, Directrice générale d’Oxfam France précise que le mouvement #MeToo est le début d’une révolution mais que face aux violences, et aux féminicides dans le monde, le chemin est encore long… En clôture de cette conférence, l’actrice Judith Godrèche a dénoncé le silence assourdissant qui l’entoure dans le monde du cinéma français.