L’Équateur devient le second pays de l’Amérique latine à légaliser l’euthanasie

La Cour constitutionnelle équatorienne a dépénalisé l’euthanasie le mercredi 7 février avec sept voix favorables sur neuf, ce qui fait de l’Équateur le deuxième pays d’Amérique latine à entreprendre cette avancée importante après la Colombie.

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À l’origine de toute la procédure, une femme : Paola Roldan, atteinte de sclérose latérale amyotrophique, plus communément appelée maladie de Charcot. Âgée de seulement 43 ans, cette patiente, depuis que le terrible diagnostic lui a été annoncé, vit prostrée dans son lit et sous oxygène de manière permanente. Devenue un véritable symbole de la lutte pour la légalisation de l’euthanasie active, son avocat, Farith Simon, n’a pas hésité à déclarer que « Paola a ouvert les portes de sa maison, de sa vie et de son cœur pour nous permettre de mieux appréhender la portée d’un droit nécessaire pour des centaines de personnes qui endurent de graves souffrances physiques et émotionnelles en Équateur aujourd’hui. » « Elle est devenue la voix de ces personnes qui, en Équateur, représentent la quatrième cause de suicide », a-t-il souligné, en faisant référence aux personnes souffrant de maladies incurables. Son combat s’est articulé autour de l’interprétation de l’article 144 du Code pénal équatorien. Ce dernier prévoyait une peine de dix à treize ans de prison pour tout homicide simple, et s’appliquait en cas d’euthanasie. Quelques jours avant l’annonce de la décision de la Cour Constitutionnelle, Paola Roldan avait déclaré ceci sur son compte X (anciennement Twitter) « Plusieurs fois, j’ai pensé que je ne parviendrais pas à voir les fruits de cette quête, à l’image de quelqu’un qui plante un arbre pour que quelqu’un d’autre puisse s’asseoir à son ombre. Mais j’ai survécu et maintenant je veux voir si le sang de la justice et de l’humanité coule dans les veines de ce pays, ou si nous allons continuer dans la pensée rétrograde qui exalte la souffrance. Messieurs les juges de la @CorteConstEcu, cette résolution ne peut plus attendre !». 

Le mercredi 7 février, elle a obtenu gain de cause et la Cour constitutionnelle a statué que « tout être humain peut prendre des décisions libres et éclairées lorsque son développement personnel est affecté », ajoutant « la possibilité de mettre fin à des souffrances intenses causées par une atteinte corporelle grave et irréversible ou par une maladie grave et incurable ». Bien que l’Équateur soit considéré traditionnellement comme un pays conservateur, la Cour a décidé de déclarer la constitutionnalité conditionnelle de l’article 144 du Code organique pénal intégral, permettant ainsi aux médecins qui pratiquent l’euthanasie de ne pas être sanctionnés pénalement. Ce débat sur la fin de vie ne se limite pas au sol équatorien, ni même latino-américain, et au contraire a pour habitude de réveiller les divergences d’opinion sur un grand échantillon de la population. Ces divisions existent déjà au sein du corps médical et certains soignants, bien qu’en faveur d’un tel dispositif, se refusent à le pratiquer personnellement. La formule courante « plus facile à dire qu’à faire » prend en effet tout son sens ici. C’est un point fondamental dont la Cour n’a pas fait abstraction puisqu’un droit à l’objection de conscience des médecins qui ne souhaitent pas pratiquer l’euthanasie a été adopté. Toutefois, dans ce cas de figure, le médecin devra impérativement mettre en relation le patient avec un autre professionnel de santé en mesure de l’aider dans cette démarche. L’accès à une mort digne pourra dès lors s’effectuer selon deux paramètres : le consentement sans équivoque de la personne, libre et éclairé ou, dans l’hypothèse où elle ne serait pas apte à le formuler, il faudra le faire par l’intermédiaire de son représentant. La procédure d’euthanasie active se doit obligatoirement de répondre à une souffrance intense résultant d’un dommage corporel grave et irréversible ou d’une maladie grave et incurable. 

En Amérique latine, la Colombie a été pionnière en dépénalisant l’euthanasie en 1997. Actuellement, les parlements uruguayen et chilien étudient des propositions de loi similaires, tandis qu’au Mexique, une législation appelée « loi sur la mort digne » permet aux patients ou à leur famille de choisir de ne pas prolonger la vie par des moyens artificiels. Bien au delà des divergences d’opinion, la question de l’euthanasie d’un point de vue purement politique ne relève pas d’un compromis philosophique. Ce que vise véritablement cette loi, c’est la liberté, la liberté fondamentale de décider, à laquelle chaque être humain aspire. C’est en ce sens que Maître Farith Simon s’est exprimé : « La volonté de Paola d’affronter le système est due à son intention de défendre le droit des personnes à décider. En fin de compte, c’est le droit de décider qui se cache derrière tout cela ».

Pour une brève comparaison avec la France, il semble que le projet patauge en Hexagone, bien que la dépénalisation ait été annoncée comme une des priorités du second quinquennat d’Emmanuel Macron. Cette question dont le traitement est souvent qualifié d’urgent est en ballotage depuis de nombreux mois voire de nombreuses années. L’itinéraire suivi par l’Équateur pourrait éventuellement servir de modèle pour progresser sur cette question. Sur la scène mondiale, l’Équateur vient se greffer aux sept autres pays qui considèrent légale l’euthanasie : la Colombie, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, certains États des États-Unis, et certaines régions australiennes. En outre, des pays comme la Suisse tolèrent le suicide assisté, mais leur évolution législative est disparate. Les critères sont très variables, contribuant ainsi à une certaine opacité entourant la question du droit de mourir. L’euthanasie passive (arrêt des soins médicaux) est de plus en plus répandue sur les territoires européens notamment mais cette pratique est bien souvent jugée plus traumatisante, peu soucieuse de la dignité, incomplète et somme toute hypocrite. 

Les travaux de recherche de Marta Spranzi sont éclairants en ce qu’ils se concentrent sur les imaginaires de la “bonne mort” et abordent généralement des questions d’éthique. En examinant de près le dilemme éthique du « laisser mourir », elle met en lumière les complexités spécifiques à ce sujet dans le cadre de la médecine et des pratiques de fin de vie en France. Ses recherches approfondies offrent ainsi une perspective critique précieuse sur ces questions éthiques sensibles et souvent controversées. La médecine, en modifiant souvent le cours naturel des choses, vise à intervenir dans une nature parfois cruelle, et cette intervention reste nécessaire même en fin de vie. Priver délibérément une personne de nourriture et de soins peut ajouter de la souffrance à une situation déjà difficile, refusant au patient une dignité dans la mort. De plus, Marta Spranzi souligne l’incohérence de considérer le cours naturel des événements comme un repère normatif. Ses recherches mettent en évidence l’absence, ou du moins le manque de repères ou de modèles dans le traitement de cette problématique complexe de fin de vie.

Sûrement ce qu’il y a de plus déroutant, c’est que la solution n’a rien d’un compromis, rien d’un juste milieu. Elle contrecarre tous les topos caractéristiques d’une société bien pensante : le juste milieu, l’équilibre, l’ordre naturel érigé en idéal. Ne faudrait-il pas alors nous interroger sur la vocation première de la médecine, cette discipline née pour contrer, non sans arrogance, l’ordre fondamentalement aléatoire de la nature.