José Agustín, emblème de la contre-culture mexicaine et un des derniers grands écrivains populaires est mort le 16 janvier dernier

José Agustín (1944-2024) s’est éteint le 16 janvier dernier dans sa maison de Cuautla, près de Mexico. Dans les années soixante, José Agustín a fait irruption dans les lettres mexicaines pour y laisser une empreinte indélébile avec son style irrévérencieux, à tel point que ses premiers romans ont marqué un tournant dans le panorama solennel de la littérature de l’époque. Inclure le parler populaire dans la littérature mexicaine n’était pas une nouveauté, ce qui était nouveau c’était de le choisir comme discours littéraire à part entière, ce que José Agustín a fait. Son style décontracté et conversationnel sont uniques, sa voix, incomparable.

Photo : Editions J

José Agustín détient plusieurs records de précocité dans les lettres mexicaines : il a écrit La tumba, son premier roman à 16 ans, publié en 1964 quand il avait à peine 20 ans. Il s’est marié pour la première fois à 17 ans pour partir alphabétiser Cuba. À son retour en 1966 il a publié De perfil, un roman culte pour des générations de mexicains, puis, en 1968, Cuál es la onda, quintessence du style de José Agustín, une nouvelle des plus jouissives et novatrices dans la littérature hispano-américaine. En fait, comptés sont les écrivains qui ont autant joué avec la langue espagnole que lui. Ses trois premiers romans sont traduits en français.

José Agustín a exprimé comme personne la jeunesse des années soixante dans un pays où la population était majoritairement jeune et optimiste, avide de changement. C’est pourquoi le nom de José Agustín renvoie toujours à la controversée Literatura de la Onda, qui peut signifier un courant littéraire, une génération, un style, un choix thématique. Gustavo Sainz (1945-2015) et Parménides García Saldaña (1944-1982) sont les deux autres écrivains les plus associés à la Onda. Ni José Agustín ni Gustavo Sainz étaient d’accord avec cette étiquette proposée par Margo Glantz dans l’essai Onda y escritura en México : jóvenes de 20 a 33 (1971), néanmoins, ils ne s’en sont pas débarrassés. En réalité, la Onda désignait un mouvement social, celui des hippies mexicains que José Agustín a fréquenté, d’où l’amalgame. En définitive la littérature de la Onda fut bel et bien une révolution esthétique : au Mexique la contestation juvénile s’est exprimée par voie littéraire plutôt que musicale.

Provocateur, parricide et iconoclaste, José Agustín a déblatéré sur les monstres sacrés de la littérature mexicaine : Carlos Fuentes, Octavio Paz et Juan Rulfo. En fait, rien n’annonce aussi bien que ses textes le Soixante-huit mexicain, le besoin d’un changement de mœurs et de système politique dans un pays gouverné depuis 1920 par un parti d’état, le PRI (Partido Revolucionario Institucional). Avec un sens de l’humour frais et coquin, ses romans et ses nouvelles narguaient le monde des adultes, la religion catholique, l’école, les institutions et surtout les poncifs académiques. 

Mais la répression du Mouvement de Soixante-huit en octobre 1968 a sonné le glas de ce vent libérateur. Comme des centaines de jeunes, José Agustín a été arrêté et emprisonné en 1971 pendant sept mois pour possession de marihuana, accusé injustement de trafic. C’est en prison qu’il a écrit son roman le plus contre-culturel et le plus intense de tous : Se está haciendo tarde (final en laguna), publié en 1973, qui marque la fin de l’optimisme juvénile de toute une génération. À partir de 1968 la dénommée « littérature de la Onda » fera preuve de radicalisation.

Considéré comme un écrivain pour les jeunes, José Agustín a longtemps été boudé par l’académie et les écrivains « sérieux », même si ses thématiques et ses référents ont évolué avec lui, publiant jusqu’en 2009 des romans, des nouvelles, des pièces de théâtre, des chroniques historiques, des scénarii. Mais il a toujours compté sur la complicité des lecteurs : l’émotion suscitée par son décès révèle la place d’honneur qu’il occupait dans le cœur de milliers de Mexicains inconsolables. Au sens noble du terme, il est un des rares grands écrivains mexicains populaires et, par les temps qui courent, cela relève de la prouesse. D’ailleurs, un hommage national lui sera rendu au Palacio de Bellas Artes, le temple de la culture au Mexique. 

Si José Agustín est un protagoniste de la littérature mexicaine, cela tient à la cohérence entre son discours et son œuvre, dans laquelle coïncident l’attitude provocatrice d’une génération, la spécificité d’un style novateur et la farouche volonté de rester un écrivain indépendant.