Retranscription du discours pour les droits humains de Sonia Zdorovtzoff à la Mairie de Lyon

À l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948,  Sonia Zdorovtzoff, adjointe au Maire de Lyon a tenu un discours fort à l’Hôtel de ville. Nouveaux Espaces Latinos était invité à suivre cette significative journée à laquelle à participé le fondateur et directeur de la publication, Januario Espinosa.

Photo : Hôtel de Ville de Lyon

Madame la Bâtonnière du Barreau de Lyon, Mesdames et Messieurs les représentant-e-s d’universités, Mesdames et Messieurs les représentant-e-s d’associations, Chers citoyens et citoyennes d’honneur de la Ville de Lyon, Mesdames et Messieurs. Bernard Devert dit de Lyon : « Les nombreux ponts de cette ville disent sa volonté de bâtir des liens, des passerelles pour réunir des mondes différents, reliés par un capital commun : le sens de l’humain. » L’humanisme est inscrit dans l’ADN de notre ville, dans son histoire, dans son patrimoine. Depuis les premiers martyrs chrétiens, jusqu’à l’essor de l’imprimerie à la Renaissance, et le développement du catholicisme social au XIXe siècle, Lyon a été un lieu d’ouverture, de culture, de liberté, d’indépendance et d’érudition. C’est un héritage précieux dont il nous faut être dignes ; un héritage que nous avons le devoir, non seulement de célébrer, mais aussi de perpétuer. Lyon compte de nombreux acteurs – institutions, associations, militants, avocats, penseurs – qui contribuent à faire vivre cet héritage en s’engageant pour le respect et la défense des droits humains ; ces droits universels et inaliénables qui sont propres à l’ensemble de l’humanité.

La Ville de Lyon fait partie de ces acteurs et a vocation à s’emparer pleinement de ce sujet. La question de l’accès aux droits humains et de leur promotion est profondément intégrée au projet politique porté, depuis juin 2020, par le Maire de Lyon et l’ensemble de son exécutif. Nous essayons, dans toutes les politiques publiques que nous menons, de contribuer à la réalisation de ces droits, avec une attention particulière envers les groupes marginalisés, à l’image des femmes, des enfants ou encore des personnes en situation de handicap. À travers ma délégation, la Ville de Lyon s’engage activement pour les droits humains à l’échelle internationale.

Cette mobilisation prend différentes formes : D’abord, un soutien aux organisations locales qui agissent en faveur du respect des droits humains dans le monde ; certaines sont d’ailleurs présentes aujourd’hui, et je voudrais en profiter pour saluer leur travail. Pour nous, il est fondamental de coopérer avec toutes les forces vives du territoire, de travailler en réseau, avec les associations membres de la Plateforme droits de l’Homme, par exemple, ce collectif d’ONG françaises agissant à l’international pour la promotion et la défense des droits humains, et dont nous avons la chance d’accueillir le siège social ici, à Lyon. La mobilisation de la Ville de Lyon se manifeste aussi par un soutien apporté à des militants et militantes, défenseurs des droits, artistes, intellectuels, empêchés, menacés ou même emprisonnés dans leur pays d’origine.

Depuis 2020, la Ville de Lyon a ainsi participé à des actions de sensibilisation, de communication, d’interpellation d’autorités françaises ou étrangères ; certaines ont d’ailleurs porté leurs fruits et cette année, Monsieur le Maire et moi-même avons ainsi pu recevoir ici, à l’Hôtel de Ville, Khaled Drareni, journaliste algérien emprisonné pour avoir couvert le Hirak, ce mouvement de contestation ou Marina Paula Oliviera, qui nous faisait l’honneur, l’année dernière, d’être à Lyon pour la Journée internationale des droits humains. Elle avait partagé avec nous, et non sans émotion, sa vie et son combat pour les victimes directes et indirectes causées par la rupture du barrage minier de Brumadinho, sa ville natale, au Brésil. Depuis sa venue à Lyon, l’engagement de Marina Paula Oliveira a été reconnu par les plus hautes autorités de notre État puisqu’elle a reçu jeudi soir, au Quai d’Orsay, le Prix des droits de l’Homme de la République française. C’est une fierté pour nous, à la Ville de Lyon et je l’espère, pour la Ville de Lyon, de l’avoir épaulée, même brièvement, dans ses engagements. 

Cet aparté me permet d’enchaîner avec une troisième initiative, lancée en 2021, avec l’association Agir ensemble pour les droits humains : le programme « Lyon, ville refuge », qui vise à accueillir temporairement dans notre ville des défenseurs des droits humains, en danger dans leur pays d’origine en raison de leurs activités, et ayant besoin de s’éloigner temporairement de leur environnement. Grâce à ce programme, nous avons déjà pu accueillir quatre personnes : Marina Paula Oliveira, que je viens de citer précédemment ; une avocate indonésienne et défenseure des droits des communs et des peuples autochtones, Era Purnama Sari ; une jeune artiste yéménite, qui perfectionne et diversifie actuellement sa pratique artistique à l’école des Beaux-Arts à Lyon ; et une défenseure du droit de l’environnement et des droits des Pygmées, peuple autochtone du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo. Elle nous fait l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui ; je lui souhaite la bienvenue et je me réjouis que nous puissions entendre son témoignage cet après-midi.

Enfin, la Ville de Lyon essaye de travailler en synergie avec ses partenaires à l’international. Depuis 2021, nous sommes membres d’ICORN (International Cities of Refuge Network), réseau regroupant plus de 70 villes dans le monde qui, comme nous, accueillent temporairement des personnes en situation de danger dans leur pays. Lyon a également été l’une des premières villes au monde à rejoindre la campagne 10, 100, 1000 Villes et Territoires des droits humains pour 2030, lancée par le réseau CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis), qui est la plus grande organisation de villes et autres territoires locaux au monde, avec environ 240 000 membres. Et cette année, pour la première fois, la Ville de Lyon a célébré la Journée internationale des personnes handicapées, une manière pour la ville de contribuer à ce que nous changions de regard sur les droits et les besoins des personnes handicapées, qui ont trop souvent été abordé sous l’angle médical. De leur donner la parole, aussi, dans la droite lignée d’un mantra bien connu des défenseurs des droits des personnes handicapées : « rien sur nous, sans nous ».

La célébration, depuis trois ans maintenant, par la Ville de Lyon, de la Journée Internationale des Droits Humains, est encore une autre illustration de cet engagement. Nous souhaitons, à travers cette journée, mettre en lumière les droits humains, en donnant la parole à celles et ceux qui luttent quotidiennement pour les défendre, pour les faire respecter et progresser. Nous voulons créer un espace de rencontre et de dialogue, invitant des défenseurs des droits du monde entier, qu’ils soient français ou étrangers, à partager leurs expériences, leurs vécus ; à mettre en miroir des combats qui, s’ils peuvent comporter des différences, se rejoignent toujours dans l’universalité des droits qu’ils défendent.

Pour cette troisième édition de la Journée internationale des droits humains, nous avons fait le choix, un peu singulier, après avoir retenu la liberté d’opinion, d’expression et la liberté de la presse en 2021, puis le droit de l’environnement en 2022, de vous proposer de nous arrêter, le temps d’une journée, sur l’État de droit, qui n’est pas un droit humain, à proprement parlé. C’est toutefois un sujet ô combien important puisqu’il ne peut y avoir de démocratie et de respect des droits humains sans respect de l’État de droit, et inversement. Je laisserai aux invités de la matinée, notamment à Mme la Bâtonnière du Barreau de Lyon, que je remercie chaleureusement pour sa présence, le soin de définir ce qu’est l’État de droit. Je rappellerai simplement, ici, que dans un État de droit, la puissance publique est soumise aux règles de droit ; que dans un État de droit, l’égalité entre les citoyens est respectée ; dans un État de droit, la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) est respectée. Que l’État de droit s’oppose à l’exercice d’un pouvoir arbitraire. Mais avant d’en arriver à la dictature, ou pire au totalitarisme, il existe bien des manières de malmener l’État de droit, et par la même, la démocratie et les droits humains.

Malheureusement, au cours de la journée, experts et grands témoins nous donneront à voir plusieurs exemples d’État de droit malmené, voire défaillant, et je vous invite à apprécier ces différentes situations (Internationales, européennes mais aussi françaises) à l’aune de l’actualité. Il nous faut, je pense, redoubler de vigilance (mais aussi, sans doute) d’engagement et de courage face aux violations du droit international (en Europe, dans le Caucase ou au Moyen-Orient) ; face à la haine de l’autre, qui ne se cache plus, mais envahit nos rues et demain, pourquoi pas, les urnes. Réjouissons-nous néanmoins (car je ne voudrais pas que nous commencions cette journée dans le plus grand des désespoirs) Réjouissons-nous car il subsiste des hommes et des femmes engagées pour un monde meilleur.

Aujourd’hui, nous allons accueillir la parole de plusieurs défenseurs des droits humains, nous pourrons échanger avec des journalistes ou écouter quelques experts géopolitique ou juridique. Dans leur grande majorité, ils nous raconteront leurs engagements, leurs difficultés, mais aussi leurs victoires et leurs espoirs pour l’avenir. Je les remercie, toutes et tous, infiniment pour leur présence et pour la confiance qu’ils accordent à la Ville de Lyon en venant ici nous livrer leurs paroles. Avant de conclure, je souhaiterais également remercier toutes les personnes qui ont travaillé à la préparation de cette journée – notamment Isaure, Roxane et Gabin un grand merci à vous.

Je terminerai mes propos en vous rappelant que cette troisième édition de la Journée internationale des droits humains s’inscrit dans le cadre du 75e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Le 10 décembre 1948, les 58 États Membres qui constituaient alors l’Assemblée générale des Nations-Unies ont en effet adopté la Déclaration universelle des droits de l’Homme, à Paris, au Palais de Chaillot considérant que (et je cite là ce texte fondateur) « la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité ». 75 ans plus tard, nous assistons à nouveau, malheureusement, à des actes de barbarie qui personnellement, me révolte et qui je l’espère, vous révolte.

Gandhi avait une définition assez simple du bonheur, c’est « lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles ». Avant de laisser place aux actes, je vais laisser place à la parole, une parole éclairée, authentique, qui s’est nourrie de l’expérience et de la connaissance, et qui nous donnera peut-être nous aussi l’envie de contribuer à la construction d’un monde meilleur. Donc sans plus attendre, je déclare ouverte cette troisième édition, à l’Hôtel de Ville, de la Journée internationale des droits humains, et je cède la parole aux intervenants du jour. Je vous remercie !