« Chumbo » par Matthias Lehmann, une bande dessinée des chroniques des années de plomb brésiliennes

Matthias Lehmann, dessinateur franco-brésilien, vit et travaille dans la région parisienne où il est né en 1978. Pratiquant la technique de la carte à gratter mais aussi le dessin à la plume ou au stylo, il s’est d’abord inscrit dans la mouvance foisonnante des fanzines et graphzines des années 1990 en France et à l’étranger.

Photo : Ed. Casterman

Il a également participé à des anthologies qui ont fait date comme le fameux Comix 2000Lapin, Hopital Brut ou Dirty Stories aux États-Unis, collaboré à Fluide Glacial avec Nicolas Moog et plus récemment à Pandora. Il est aussi à l’occasion illustrateur de presse pour LibérationLe MondeSiné MensuelLe 1Zadig, etc. Matthias Lehmann a publié près de dix albums, dont notamment La Favorite, parue en 2015, qui rencontra un important succès public et médiatique et fut couronné de plusieurs prix. En 2020 et 2021, il effectue plusieurs résidences au cours desquelles il va travailler sur son nouvel album, Chumbo, à la Maison des Auteurs à Angoulême, à la Villa Médicis à Rome et à la Drawing Factory à Paris. En 2022, il est sélectionné aux côtés de trente artistes dans le cadre du projet « illustrer le Grand Paris ». Chumbo est son premier roman graphique publié chez Casterman.

Chumbo est la chronique d’une famille au Brésil sur soixante ans. Un récit qui permet d’appréhender l’histoire, la politique et la culture du pays au XXe siècle.  Flash-back dans les années 1930 à Belo Horizonte, à l’Est du Brésil. C’est là que sévit Oswaldo Wallace. À la tête de mines de manganèse, l’homme d’affaires maltraite ses employés, en particulier s’ils sont syndiqués, mais aussi sa femme et ses enfants. S’il permet à ces derniers de mener une vie confortable sur le plan matériel, c’est au prix d’une éducation stricte où les enfants sont priés de ne pas fréquenter ceux du personnel, comme Lara Rebendoleng. Ce tyran fascisant empêche bien sûr son épouse de s’émanciper et de s’épanouir.

Mais petit à petit la famille s’appauvrit. Severino et Ramires, les deux fils, prennent des chemins opposés : l’un dénonce le système, tandis que l’autre en profite. Les différences de classe sont impitoyables, le racisme courant et ravageur, la pauvreté, dévastatrice. Mais le combat politique est omniprésent. Toutes les informations sur le pays sont distillées au long du récit sans jamais l’alourdir. Le dessin en noir et blanc très évocateur renforce le réalisme des situations. Surtout, les personnages profondément humains nous rendent accessible, et passionnante la réalité souvent violente d’un pays sous la dictature. Car le XXe siècle brésilien est émaillé de différents coups d’État. Sans concession sur les hommes et les régimes, cette histoire se lit d’une traite.

Par Radio France et éd. Casterman