« Plus jamais » Quatre présidents uruguayens unis à cinquante ans du coup d’État 

Le 27 juin dernier, au siège de la présidence de la République de l’Uruguay (Torre ejecutiva) se sont retrouvés les quatre derniers président du pays. L’actuel président Luis Lacalle Pou et les trois anciens présidents en exercice, depuis le retour de la démocratie dans ce pays, ont émis un message commun pour commémorer le 50e anniversaire du dernier coup d’État. « Plus jamais”, ont-ils proclamé.

Photo : Presidencia Uruguay

“Il a été dit tous ces jours « plus jamaisPour que le plus jamais soit vrai, il faut que la démocratie soit toujours vivante », a souligné l’actuel président, célébrant le coup de pouce à l’unité nationale que ses prédécesseurs donnaient par leur présence. Dans les discours des trois anciens présidents, l’appel à la compréhension et à la fin de l’intolérance et des antagonismes a été le dénominateur commun. « Plus jamais de violence », « plus jamais de messianisme autoritaire », « plus jamais d’utopies révolutionnaires », a lancé M. Julio Maria Sanguinetti, dont le premier mandat (1985-1990) a marqué le retour de la démocratie en Uruguay il y a 38 ans. Il a gouverné entre 1995 et 2000. 

« Il ne faut plus jamais disqualifier les autres parce qu’ils pensent différemment, ni penser qu’ils sont mauvais parce qu’ils votent pour un autre parti ou un autre candidat. Les dirigeants politiques doivent assumer le fait que la lutte politique atteint un certain point et que les accords sont l’essence de la vie historique et politique de l’Uruguay », a souligné Luis Alberto Ramón Lacalle de Herrera, père de l’actuel président. « Nous sommes ici pour demander à tous les citoyens de faire ce qu’il faut pour que cette harmonie, cette paix et cette démocratie se perpétuent à l’avenir.” Il a gouverné entre 1990 et 1995.

« Prenons soin de la coexistence, qui est le moyen de prendre soin de la démocratie », a insisté M. José Alberto Mujica, un ancien guérillero de Tupamaro qui est arrivé au pouvoir (2010-2015) après avoir pris les armes contre l’État et passé treize ans en prison. Mujica a déclaré : « Une façon d’affirmer la démocratie est que la responsabilité politique contribue à résoudre les problèmes les plus dramatiques, nous avons besoin d’une cause nationale qui nous unifie au-delà de nos antagonismes. Et il existera toujours des antagonismes quand il s’agira de partager, mais veillons à la coexistence, qui est la façon de veiller à la démocratie.”

Luis Alberto Lacalle Pou, l’actuel président depuis 2020, a peut-être été l’orateur le plus enthousiaste de la conférence. « Si nous nous mettons d’accord et cette activité le fait ainsi, c’est dans le présent et dans l’avenir. J’aime toujours parler du gouvernement passé et du gouvernement à venir. Je suis parfaitement sûr que le prochain président de la République, quel que soit son parti, sera assis ici avec nous », a-t-il déclaré. « Pour que cela ne se reproduise plus jamais, il faut sûrement, comme on l’a déjà dit au Parlement, que la démocratie soit éternelle. Mais la démocratie, instrument imparfait parce qu’il s’agit d’une création humaine, est le meilleur que nous ayons, et doit également satisfaire à ce qui fait d’un individu qu’il soit libre », a ajouté l’actuel président.

Lacalle Pou, sous l’œil attentif des autres anciens présidents, a appelé tout le monde à promouvoir la démocratie. « Parfois le mot démocratie semble très éloquent et lointain, maintenant la démocratie se construit dans un bowling, sur un lieu de travail, dans un club, dans une épicerie… et bien sûr, avec l’exemple des dirigeants politiques. Et comme presque tout dans la vie, construire est très difficile, détruire est instantané », a-t-il averti. « Au nom du gouvernement et personnellement, j’apprécie beaucoup que le président Sanguinetti, le président Lacalle et le président Mujica soient ici, et je veux me souvenir du président Jorge Batlle (décédé en 2016) et du président Tabaré Vázquez (décédé en 2020). Aujourd’hui, ils donnent une forte impulsion à cette belle chose qu’est l’unité nationale, au-dessus de tous les partis, qui est démontrée dans un petit nombre d’exemples importants comme ceux-ci ».

L’événement qui s’est déroulé a été marqué par un autre coup. À son arrivée, Sanguinetti, 87 ans, a trébuché et est tombé en montant sur la scène. « Comme Biden« , a déclaré l’ancien président, faisant allusion à la chute du président américain Joe Biden lors d’une cérémonie militaire au début du mois. « Ce qu’on ne ferait pas pour faire la couverture des journaux, hein ?« , a plaisanté M. Lacalle Pou, après l’avoir aidé à se relever.

La dictature uruguayenne de 1973 à 1985 a laissé des dizaines de milliers d’opposants emprisonnés, bannis et exilés. De plus, 197 personnes ont disparu lors d’actions attribuées à l’État uruguayen, la grande majorité d’entre elles étant détenues en Argentine dans le cadre du plan Condor de collaboration entre les régimes de facto du cône sud de l’Amérique du Sud.

D’après les Dépêches
Traduit par Solveig AUSONI
et Jasmine LATOUR