« Pornomelancolia » : SOS d’une pornstar en détresse

Le titre contient l’essentiel du film de Manuel Abramovich. En parallèle d’un job alimentaire, Lalo Santos pose nu pour ses abonnés Twitter, avant d’entrer dans l’industrie du porno. Des machines de l’usine à celles que deviennent les corps sur le plateau de tournage, Lalo emporte partout avec lui sa solitude et sa morosité.

Photo : Allociné

Avec ce premier long, Manuel Abramovich explore les frontières entre le documentaire et la fiction. Lalo Santos, acteur de films porno gay, y interprète son propre rôle. La crudité des scènes de tournage, où le mouvement mécanique des corps est entièrement soumis au réalisateur en off, confère son réalisme au film. De même, des enregistrements d’écran directement intégrés au film laissent apparaître les dizaines de messages d’inconnus reçus par Lalo sur Twitter, ou encore ses clichés sur OnlyFans.

Pornomelancolia séduit par ce regard sans fard sur la déshumanisation et la mélancolie que génèrent l’industrie du porno, en ligne ou en studio. Plus encore, ce sont les mécanismes de la consommation sexuelle que sonde le film, à la manière de Dustan, et éventuellement le néant affectif qu’ils peinent à dissimuler. Cela se révèle en particulier lorsque Lalo expose son mal-être à une professionnelle de santé; à la question « Avez-vous quelqu’un à qui en parler ? », Lalo n’a rien à répondre.

De même, les messages téléphoniques qu’il laisse à sa mère ne sont que des monologues qui le renvoient à sa propre solitude. Tout comme Pornomelancolia brouille les frontières entre fiction et documentaire, le film donne à voir la contamination des rapports intimes par l’industrie pornographique : les rencontres d’un soir deviennent ainsi de nouvelles occasions pour Lalo de tourner une vidéo monétisée. Si le film excelle à peindre une tristesse qui explose dans l’indifférence, à l’image du plan d’ouverture où Lalo fond en larmes au milieu des piétons, on peut regretter qu’aucune nuance ou contrepoint n’y soit apporté.

À force, l’abattement de Lalo use et peine à convaincre encore le spectateur. De même, les propos des acteurs sur leur séropositivité paraissent un peu écrits: on aurait préféré que les conditions de ce statut nous soient données à voir, plutôt qu’elles ne soient décrites par un dialogue avant de retomber dans l’oubli. Le film contient des enjeux intéressants, qui auraient pu être davantage exploités par le réalisateur.

Marius MIRONE
créateur de Chimères

Pornomelancolia, de Manuel Abramovich (Argentine – Brésil – France – Mexique, 2023), 95 min. En salle.