Jean-Paul Capitani, fondateur des éditions Actes Sud est décédé à Arles le 4 avril dernier

Depuis notre fondation, nous suivons en priorité les parutions littéraires autour de l’Amérique latine. Les éditions Actes Sud ont donné depuis leur création une place importante aux auteurs d’Amérique latine et le public qui nous suit depuis le lancement en 2002 de notre festival littéraire Belles Latinas a remarqué la liste d’écrivains latino-américains publiés depuis chaque année par cette maison d’édition. Nous transcrivons ici la nécrologie du journal Le Monde.

Photo : Actes Sud

Un séisme pour Arles. Dans la bouche des acteurs culturels comme dans celles des responsables politiques de la petite cité des Bouches-du-Rhône, l’expression revient sans cesse depuis l’annonce du décès subit de Jean-Paul Capitani, mardi 4 avril. À 78 ans, l’éditeur, entrepreneur, militant environnemental et mari de l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen, a fait une chute mortelle alors qu’il circulait à vélo dans les rues de sa ville natale. Depuis plusieurs décennies, cet homme à l’énergie toujours débordante s’était affirmé comme un moteur essentiel de la métamorphose culturelle vécue par Arles.

Sur les bords du Rhône, dont sa maison longeait la rive, peu d’événements, de manifestations, de festivals ne lui doivent pas quelque chose. Membre fondateur de la maison d’édition Actes Sud, dont il a fortement contribué à faire un groupe de plus de 300 employés en y occupant plusieurs fonctions de direction, Jean-Paul Capitani a piloté, entre autres, les créations de l’espace culturel du Méjan, qui regroupe un cinéma, une librairie, un restaurant, de la Croisière, un lieu d’expositions et de soirées, ou encore du festival « Agir pour le vivant », dont il préparait la quatrième édition. Il a aussi joué un rôle décisif dans l’installation de la fondation de l’artiste coréen Lee Ufan, qu’il avait su séduire en l’invitant en 2013 pour une exposition.

Tandis que le maire de la ville, Patrick de Carolis (Horizons), saluait « un homme de lettres curieux de tout, travailleur infatigable », le conseil d’administration des Rencontres d’Arles, rendait hommage au « compagnon de route de longue date » du festival international de photographie, qui anime la ville durant tout l’été depuis un demi-siècle. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a, de son côté, évoqué sa foi « dans le pouvoir des livres, des arts et de l’éducation pour relier les êtres ».

Défenseur de l’environnement

Issu d’une famille d’immigrés italiens, Jean-Paul Capitani suit une formation d’ingénieur agronome. De ces études, cet entrepreneur-né garde une passion pour la terre, l’élevage, les chevaux et le vin, de même qu’un fort engagement pour la défense de l’environnement. Au début des années 1980, alors que l’image de la ville se résume encore aux férias et aux vestiges romains, il rencontre l’éditeur Hubert Nyssen et l’invite à s’implanter dans l’ancienne laiterie familiale qu’il possède au Méjan. Le site sera la rampe de lancement de l’aventure Actes Sud, devenu, plus de quatre décennies plus tard, l’un des plus grands groupes d’édition indépendants français.

Directeur commercial et du développement pendant de longues années en ayant parallèlement une activité d’éditeur, Jean-Paul Capitani a en particulier œuvré pour le secteur des beaux livres, publiant des artistes comme Sophie Calle. En 1996, il épouse Françoise Nyssen, fille d’Hubert, avec laquelle il forme, aux dires de leurs proches, un « couple fusionnel ». Ensemble, ils créeront un réseau d’amitiés internationales mêlant écrivains, artistes, créateurs. En mai 2017, lorsque son épouse devient ministre de la Culture, il lui succède à la tête du groupe familial. La direction du groupe a été transmise depuis septembre 2022 à trois de leurs enfants, mais il présidait encore le conseil de surveillance. Capable d’avoir « mille idées à la seconde », selon son ami l’écrivain, réalisateur et militant écologiste Cyril Dion, Jean-Paul Capitani n’échappait pas à la réputation de mener ses projets « comme un bulldozer ». À plusieurs reprises, il a été épinglé par la presse pour avoir réalisé des travaux sans permis ou en s’affranchissant de certaines règles patrimoniales en secteur sauvegardé.

L’une de ses dernières grandes initiatives sera la fondation, en 2015, avec Françoise Nyssen, de l’école expérimentale du « Domaine du possible ». Profondément « transformés » par le suicide de leur fils Antoine en 2012, ils créent ce lieu expérimental à destination des enfants en difficulté dans le système éducatif classique. L’école, conventionnée par l’État depuis 2020, suit une pédagogie inspirée de multiples méthodes dites « actives » et s’appuie également sur une ferme agroécologique et un centre équestre. « Un apprentissage par le réel, la nature et le vivant », dont Jean-Paul Capitani s’était fait un défenseur résolu.

D’après Le Monde