Publication de « Face à l’abîme » de Alice Verstaeten : penser l’humain malgré la terreur

Après dix ans de travail, Alice Vestraeten publie Face à l’abîme, un recueil de témoignages mêlés à des gravures, abordant la dictature argentine, ses souffrances et ses disparus. Elle sera présente le week-end du 25 et 26 mars au salon « Magnifique livre » du livre indépendant au Palais de la Bourse à Lyon, avec les éditions des Collemboles. 

Photo : Éd. des Collemboles

Face à l’abîme, d’Alice Verstraeten, c’est 336 pages d’Histoire, de témoignages bilingues et d’anthropologie, 37 portraits dessinés, 5 gravures, 7 œuvres textiles représentées par le biais de la photographie. On y explore ce qui se construit et se déconstruit de l’humain lorsque l’Argentine bascule dans le terrorisme d’État, puis lorsqu’au cœur de l’horreur, renaissent des formes de résistance malgré tout.  

Entre 1976 et 1983, une dictature civile-militaire plonge l’Argentine dans l’abîme. La terreur joue une partition connue, où le social et le culturel sont déliés par la perversion. Contre toute attente, une nouvelle résistance émerge. Elle déjoue la terreur, dans un champ de ruines, avec pour étincelle des témoignages de survivants, et des mères de disparus qui refusent le silence de l’impunité. La remontée de l’abîme est d’abord symbolique : une ronde sur la Place de Mai, des foulards blancs, des portraits épinglés sur les poitrines… La résistance au totalitaire se construit par de petits liens de sens qui, chemin faisant, font lien social. Un retour sur l’Histoire est nécessaire, pour penser ce qui lie et délie notre commune humanité. L’humain ? Cette silhouette souple, mouvante, sans cesse remodelée par notre perception du réel et du symbolique. Anthropopoïèse.

« L’Argentine était très dangereuse pour un opposant. Dangereuse, vraiment. Ils ne se contentaient pas de te mettre en prison. Non. Ils te séquestraient, te torturaient presque jusqu’à la mort… avec toutes les conséquences de ce genre de méthodes : les viols, les vols et toutes ces choses qui pouvaient déboucher sur la disparition. » Victor

« Dans le camp, je ne pouvais pas connaître le nom des autres parce que quand ils les appelaient, ils les appelaient par leurs numéros ! […] … Alors si ça se trouve… certaines mères… certaines de mes compagnes… j’ai été aux côtés de leurs enfants et on ne le savait pas ! […] Nous n’avons pu ramener que très peu de noms à la lumière.» Carmen

« La disparition c’est… c’est horrible. C’est un trou noir, quelque chose de très difficile à… à décrire. C’est une faim immense, une faim d’informations, de… de justice, de vérité, de tout ensemble. Hum… C’est une perte profonde. C’est quelque chose qui reste là, en suspens, entre parenthèses, dans un monde flottant. Tu as une… une… quelque chose qui tire à l’intérieur. Quelque chose de vraiment terrible… qui t’accompagne pour le restant de tes jours. » Haydée

Un essai construit à partir des témoignages de victimes devenues résistantes. Une écriture exploratoire, qui met en regard les témoignages, l’anthropologie… et des œuvres d’art. Les gravures et dessins figuratifs de Michèle Lepeer, ou les sculptures textiles abstraites de Ute Wolff, donnent corps et regards aux témoignages, matières aux émotions. C’est donc un essai à la forme inédite que proposent les éditions des collemboles : microédition associative mêlant art et pensée sociale, pour participer de la recomposition nécessaire du monde, au croisement de l’écologie et des droits humains.  C’est un livre écrit, conçu et imprimé entre la Drôme et l’Ain, par une maison d’édition associative, indépendante.

D’après l’éditeur

Face à l’abîme de Alice Verstraeten, éd. des collemboles 2023, 336 p., 25 euros.