Hommage au vieux qui contait des histoires  « Luis Sepúlveda : Un doute et une certitude » aux Éd. Métailié vient de paraître

Luis Sepúlveda, père du best-seller Le vieux qui lisait des romans d’amour, a succombé au Covid-19 en avril 2020. Les Éditions Métailié ont publié le 14 octobre un hommage en mots et en photographies orchestré par son grand ami, le photographe des écrivains Daniel Mordzinski en l’honneur de ce conteur d’histoires.

Photo : Festival Biarritz-Amérique latine

De quoi Un doute et une certitude est le nom ? La question est ardue tant le livre est inclassable – l’éditeur lui-même l’avoue volontiers en exergue de l’œuvre. Essayons malgré tout de répondre. Daniel Mordzinski réunit dans ce livre des textes rares et inédits de l’auteur chilien auxquels il associe ses propres photographies. Ces œuvres agrégées donnent à voir un Luis Sepúlveda en pixels et en mots à qui le grand ami et complice de toujours rend un dernier hommage. 

Dans les textes publiés, Luis Sepúlveda laisse apparaître l’homme derrière la figure mythique de l’écrivain. Celui qui, dans Le Monde Diplomatique, critiquait le Chili, cet « oasis asséché » et soutenait l’explosion sociale de l’automne 2019 pour une démocratie plus juste (1), se montre dans son intimité, lui qui aimait qu’on l’appelle viejo (vieux) lors des réunions de famille où il rattrapait le temps perdu avec ses enfants. Un homme qui se chamaillait avec ses amis pour savoir qui est le plus doué pour faire griller la viande et qui pleurait autant la mort de sa chienne que la fonte des glaciers dans le sud de la Patagonie. 

Serait-ce alors un (auto)portrait ? Daniel Mordzinski préfère parler d’une « photo-biographie » (2). Dans ce livre, l’œil du photographe et la plume de l’auteur s’unissent pour générer une émotion à la croisée de la nostalgie d’un temps heureux, de la tristesse d’un temps révolu et du bonheur d’avoir pu le vivre. Aussi, le photographe devient un « conteur d’images » (3) grâce à ses clichés qui figent dans le temps un instant de vie et une histoire. En parallèle, l’auteur écrit un « polaroïd de [s]on affection » (4) à son grand ami – les deux artistes reprenant et appliquant alors, aussi bien au texte qu’à l’image, ce que Roland Barthes nous disait déjà dans La chambre claire en 1980 : « Ce que la photographie reproduit à l’infini n’a eu lieu qu’une fois : elle répète mécaniquement ce qu’elle ne pourra jamais plus se répéter existentiellement. »

Le regard complice et la confiance de Luis Sepúlveda transparaissent dans les clichés argentiques puis numériques de Daniel Mordzinski, témoignage d’un lien fraternel entre deux hommes qui ont couru le monde et parcouru les époques. Avec cet ouvrage touchant, le photographe fait le deuil d’un ami parti trop vite dans un monde pétrifié par la pandémie. À découvrir dès maintenant aux éditions Métailié.

Nina MORELLI

Un doute et une certitude. Textes rares et inédits, Photographies et sélection des textes de Luis Sepúlveda par Daniel Mordzinski, éd. Métailié, bibliothèque hispano-américaine, 192 pages, 19,80 €. Traduction de l’espagnol par François Gaudry, Bertille Hausberg et René Solis. 

Notes :  

(1) https://www.monde-diplomatique.fr/2019/12/SEPÚLVEDA/61149  / (2) p. 16 / (3) p. 35 / (4) p. 38