« Je tremble ô Matador » un film chilien de Rodrigo Sepúlveda d’après le roman de Pedro Lemebel

Inspiré du roman Tengo miedo torero de l’écrivain chilien Pedro Lemebel, écrit en 2001, le film nous embarque dans le Chili des années 80, sur fond de dictature de Pinochet. On y découvre un travesti vieillissant, « la loca », couturière, faisant la rencontre de Carlos, un jeune étudiant activiste d’extrême gauche préparant un attentat contre la dictature.

Photo : Allo Ciné

Ces deux mondes n’auraient jamais dû se rencontrer.  « Trouver l’équilibre fut en effet un travail très compliqué. dit le réalisateur Rodrigo Sepúlveda. Il s’agit d’une histoire d’amour particulière en raison du contexte politique et de l’environnement dans lequel elle se déroule. Les deux personnages principaux, Carlos et La Loca, vivent chacun dans le secret : Carlos pour être un guérillero, et La Loca pour être homosexuelle dans un pays où l’homosexualité était illégale. Mon intention était donc de donner à ressentir qu’ils vivent chacun dans un monde soumis à l’isolement : qu’il s’agisse de l’espace intérieur de La Loca ou de l’espace social public d’un pays vivant sous une dictature. »

L’interprétation d’Alfredo Castro est tout à fait remarquable. C’est sans aucun doute le meilleur acteur chilien :« Je n’ai pas eu besoin de « jouer » explique Alfredo Castro. Dans cet univers, avec ces cheveux et ces habits, que pouvais-je faire sinon agir avec toute la simplicité possible ? Qu’y avait-il à interpréter en plus ? « Jouer » était impossible. »

L’an passé à Cinelatino à Toulouse, l’acteur s’était exprimé sur la situation du Chili. « Je pense qu’aujourd’hui au Chili, on ne fait pas de cinéma qui ne milite pas pour une cause, qu’elle soit féministe, ethnique, LGBTQI, sur la santé mentale, etc. Je n’ai pas l’impression qu’on y fasse un cinéma léger dans le sens d’un cinéma qui serait inconséquent ou sans aucun engagement. Je n’y avais pas trop réfléchi avant, mais si on me demandait : « quel film ne ferais-tu pas ? », j’aurais du mal à répondre car tous les films qui se font actuellement semblent très engagés, ce qui me paraît merveilleux. Il me semble qu’un monde incroyable est en train de s’ouvrir avec ce qui se passe en ce moment au Chili, avec cette nouvelle Assemblée Constituante dont la majorité est constituée par des femmes qui sont jeunes, d’une joueuse d’échecs à une biologiste… »

Pedro Lemebel est un auteur et artiste plasticien chilien né à Santiago du Chili le 21 novembre 1952 et mort aussi à Santiago le 23 janvier 2015 d’un cancer du larynx.  Il est connu pour sa critique aiguisée de l’autoritarisme et sa peinture humoristique de la vie chilienne, vue depuis une perspective queer. Son œuvre écrite aborde les thèmes de la marginalité chilienne, l’homosexualité et les remous politiques, utilisant plusieurs références autobiographiques. Son style irrévérencieux est connu dans toute l’Amérique latine, et au-delà. Ses livres sont traduits en français, italien et anglais. En tant qu’artiste performeur, son travail se caractérise par l’usage de sa propre expérience et de la provocation, comme outils pour une critique sociale et politique. Je tremble ô Matador est un film remarquablement beau et tendre, sur les écrans à partir du 15 juin.

Alain LIATARD