« L’autre femme », un premier roman en français de l’écrivaine uruguayenne Mercedes Rosende

Les éditions Quidam publient le roman L’autre femme de Mercedes Rosende, née à Montevideo en 1958. Après des études de Droit, elle a partagé son activité entre des expertises dans le domaine politique, le journalisme, l’enseignement et la littérature, des romans noirs en particulier. Elles est attendue à notre prochain festival Belles Latinas en octobre2022.

Photo : Pasa 

Úrsula vit à Montevideo, elle est traductrice, obèse, un peu dépressive, un peu jalouse de sa sœur Luz dont la vie semble exemplaire surtout depuis qu’elle a épousé un riche entrepreneur. L’assassinat de leur tante Irene un an plus tôt (le meurtrier purge sa peine en prison) ne semble pas l’avoir traumatisée plus que ça. Úrsula qui lutte contre divers soucis, les talons agressifs de sa voisine du dessus qui parcourt encore chaussée son appartement à point d’heure, les dizaines de kilos en trop, l’urgence de textes à rendre au plus vite, reçoit un jour un curieux coup de fil à propos de son mari qui vient d’être enlevé. OK, oui, mais elle n’a jamais eu de mari.

L’action se déroule en sept jours, une semaine de la vie d’Úrsula, avec ses réunions aux Obèses Anonymes, le contact multi-quotidien avec son frigo bien rempli de bonnes choses puis avec le micro-onde, ses visites chez sa sœur et ses incertitudes nouvelles : que faire quand un des ravisseurs prend contact avec elle ? Avouer qu’elle n’est pas mariée, faire l’autruche ou profiter de la situation ? Avec beaucoup de roublardise (bien venue) et un humour fracassant, Mercedes Rosende nous mène en bateau. Si toute lecture, surtout en Amérique latine, est une sorte de jeu entre auteur et lecteur, elle est redoutable, s’amusant à nous troubler, à nous faire nous poser des questions qu’on croit résoudre pour nous rendre compte que non ! Alors on subit ravis l’histoire, presque aussi impuissants que le Santiago Losada qui croupit menotté dans son sous-sol humide, qui attend la lumière de sa libération pendant que nous attendons la lumière de la solution. Qu’il est bon de s’abandonner à la main experte de l’auteure qui, elle, sait où elle va !

Les règles du roman noir sont respectées, les personnages sont bien dessinés, l’action avance à bon rythme, seulement interrompue par des flashes sur la vie ordinaire dans la capitale uruguayenne, les pièges (pour les personnages et pour le lecteur) se suivent, les psychologies s’affinent avec (sans jeu de mot) un gros plan continu sur ce que ressent une femme obèse, vision très drôle mais jamais dégradante, au contraire. On a les rendez-vous discrets, l’homme menotté, le .38 chargé, les personnages troubles et une bonne proportion de trahisons. Et, en plus de tout cela, Mercedes Rosende pratique un humour qui s’attaque à tout, la société bling bling, les petits paumés qui s’y croient, les femmes trompées et trompeuses. Une fois encore, je conseillerai au futur lecteur de ne pas lire la quatrième de couverture qui en dit un peu trop. Il se réservera ainsi une lecture qui ne pourra que l’emballer.

Christian ROINAT

L’autre femme de Mercedes Rosende, traduit de l’espagnol (Uruguay) par Marianne Million, éd. Quidam, 238 p., 20 €. – Mercedes Rosende en espagnol : Mujer equivocada, ed. Sudamericana (2011) / El Buho de Minerva, Valencia (2016).