L’ancien chef de la Police d’investigation Sergio Muñoz a été condamné à trois ans et un jour de prison pour divulgation d’informations confidentielles. Il est le premier à recevoir sa sentence dans l’affaire Hermosilla qui déclenche un séisme politique en mettant en cause plusieurs figures des sphères politique, judiciaire et économique.
Photo : La Tercera
L’affaire des audios, aussi appelée affaire Hermosilla, révélée par la presse au grand public en novembre 2023, est un scandale juridico-politique qui va marquer le pays. Au cœur de ce scandale, un enregistrement entre l’avocat influent Luis Hermosilla et l’ex-haut fonctionnaire Leonarda Villalobos. Dans cet échange, ils évoquent expressément des paiements illégaux versés à des agents du fisc et à des magistrats afin d’obtenir des décisions judiciaires favorables à leurs clients fortunés, comme l’homme d’affaires Daniel Sauer, parallèlement impliqué dans une affaire d’escroquerie.
Après la fouille du téléphone d’Hermosilla, c’est plus de 700 000 pages de communications qui permettent de suggérer un réseau de corruption étendu, impliquant également des documents confidentiels issus de l’État et un potentiel lien avec des projets controversés comme le projet minier Dominga (2017). Le cas Hermosilla concerne en tout douze personnes, parmi lesquelles Hermosilla, Villalobos, Sauer, et désormais Sergio Muñoz, tous placés en détention préventive.
Le 9 mai 2025, le Parquet national chilien (Fiscalía Nacional) a annoncé sur X que Sergio Muñoz Yáñez, ancien directeur général de la Police d’investigation du Chili (PDI), a été condamné à trois ans et un jour de prison pour violation répétée du secret professionnel, divulgation d’informations confidentielles. Accusé d’avoir transmis des informations confidentielles à Luis Hermosilla, notamment dans l’intérêt de Daniel Sauer, Muñoz a reconnu sa responsabilité, et est sorti du silence face à sa condamnation : « Je suis un homme honnête qui a commis une erreur fatale que j’ai assumée », a-t-il déclaré. En fonction sous les gouvernements de droite sous Sebastián Piñera et de gauche avec Gabriel Boric depuis 2010, Muñoz avait été placé en détention préventive du 19 mars 2024 au 8 mai 2025 (soit 414 jours) avant d’accepter un procès abrégé, refusant un procès oral qui aurait pu exposer plus largement les pratiques internes de la PDI. Il devra également verser 823 000 pesos chiliens (soit moins de 800€) d’amende et écope d’une impossibilité temporaire de se présenter et exercer des fonctions publiques. Il purgera cependant sa peine sous régime de liberté surveillée, une mesure qui a suscité des critiques dans l’opinion publique, dénonçant une justice à deux vitesses.
La démocratie est mise à l’épreuve, face à un scandale qui risque d’ébranler durablement l’image du Chili. Considéré comme le pays le plus transparent d’Amérique latine après l’Uruguay et 29e au classement mondial de Transparency International, le Chili pourrait perdre en capital de confiance envers sa population, dans la mesure où la fiabilité des institutions reste un pilier de la stabilité démocratique. Alors que l’enquête se poursuit et que d’autres inculpations sont attendues, la condamnation de Sergio Muñoz apparaît comme la première fissure dans l’édifice de l’impunité et pourrait mettre au jour des complicités entre magistrats, chefs d’entreprise et décideurs politiques. Derrière Muñoz, derrière Hermosilla, il y a tout un système à démasquer, et cette affaire ne sera sans doute pas la dernière.
Margot LEMAZURIER