Tout va mal ! Comment l’ignorer alors que médias et réseaux sociaux déversent des torrents d’informations catastrophiques sans répit et tous azimuts. Cette année encore, le Festival ouvre une fenêtre sur le monde avec 22 spectacles à découvrir dans 19 lieux et théâtres partenaires. De la Russie au Mexique, du Burkina Faso au Rwanda, de la Syrie à la Belgique, Sens Interdits invite le spectateur à se laisser guider par sa curiosité !
Photo : Sens Interdits
Actualités sans fin, sans freins, sans tri. Jusqu’au dégoût ! Alors, pourquoi rajouter encore à la déprime collective avec du théâtre d’urgence, du théâtre documentaire, citoyen, engagé, politique qui nous parle de viols, de prisons, de génocides, de minorités malmenées, de faibles violentés par de plus forts ? Certainement parce que, comme l’a écrit Antonin Artaud, « tout ce qui est dans l’amour, dans le crime, dans la guerre, ou dans la folie, il faut que le théâtre nous le rende, s’il veut retrouver sa nécessité ».
Mais aussi parce que le théâtre impose son tempo, raconte une histoire, change les angles de vue, installe le désordre pour mieux laisser le spectateur libre, au milieu des autres, d’une analyse autonome ou partagée. Donc le théâtre comme antidote au flot continu d’actualités ? Sans aucun doute !
Ceux qui ont vu Opus 7 de Dimitri Krymov en 2009, Une guerre personnelle de Tatiana Frolova en 2011, Maudit soit le traître à sa patrie d’Oliver Frljić en 2013, Hate Radio de Milo Rau en 2015, Acceso de Pablo Larraín en 2015, ou Transfrontalier de Snake en 2017, comprennent beaucoup mieux, depuis, les mécanismes de l’antisémitisme en URSS, la réalité de la guerre en Tchétchénie, les divisions toujours vives dans les Balkans, le mécanisme diabolique qui a conduit au génocide au Rwanda, la pédophilie dans l’Eglise au Chili et ailleurs ou l’indicible réalité des migrants aux portes de l’Europe.
Chacun de ces spectacles, comme la plupart de ceux programmés dans les cinq éditions du Festival proposaient, dans leur langue et avec leurs propres codes culturels, des regards souvent décentrés et inattendus sur des problématiques universelles que beaucoup croyaient connaître.
Le but n’a pourtant jamais été de faire découvrir tel ou tel aspect exotique d’une histoire locale mais bien de donner à voir du théâtre, à découvrir des regards singuliers d’artistes, des préoccupations culturelles et sociales aux antipodes des nôtres, des savoir-faire déroutants mais aussi des engagements exemplaires et possiblement contagieux, des révoltes inspirantes.
Mémoires, identités, résistances !
Vous avez été près de 12 000 lors de la dernière édition à suivre cette incitation à la curiosité et, parmi vous, 42% avaient moins de 26 ans. C’est cette adhésion des plus jeunes qui nous encourage et donne de l’espoir. C’est le travail déterminé d’artistes engagés corps et âme dans leur projet qui donne tout son sens à la patiente marqueterie qu’est une programmation. C’est la confiance d’un réseau toujours plus large de partenaires métropolitains, nationaux et européens qui permet de faire circuler largement des spectacles fragiles et, de mutualiser les charges de spectacles plus lourds.
Je souhaite que chacun et chacune puisse trouver son chemin dans la programmation de cette édition des 10 ans, organisée en cycles (Russie, Mexique, Afrique), traversée par des fils rouges (Monde du travail, Femmes en résistance, Exils et conflits), faisant place à un inclassable spectacle polonais, à deux spectacles dans l’espace public et à un hommage à « l’Ecole de Liège » dont l’un des spectacles, jubilatoire, ne propose rien de moins, en clôture du Festival, qu’une tentative d’utopie. Espoir donc !
Patrick Penot
Dossier de Presse de Sens Interdits