Andrés Manuel López Obrador, une nouvelle politique pour le Mexique ?

Le dimanche 1ᵉʳ juillet, Andrés Manuel López Obrador (AMLO) va se présenter pour la troisième fois aux élections présidentielles du Mexique. Ce dernier insiste sur le fait que cette tentative sera la dernière : face à une nouvelle défaite, il partirait à la retraite. Pour l’instant, les sondages le placent en tête des intentions de vote, il devrait donc attendre au moins six ans avant de cesser son activité d’homme politique.

Photo : Economia Hoy

Andrés Manuel López Obrador, de père et de mère émigrants espagnols, est né le 13 novembre 1953 à Macuspana (État de Tabasco). Outre son dévouement à la politique, il a travaillé à l’institut des peuples indigènes de l’État de Tabasco dans les années 70 et, à partir de 1984, à l’Institut National des Consommateurs (agence gouvernementale). Quant à son parcours politique, cet ex-membre du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) se joint d’abord à la tendance dissidente du Courant Démocratique. Il participe ensuite à la fondation du PRD (Parti de la Révolution démocratique) qu’il préside de 1996 à 2000. Cependant, c’est de 2000 à 2005 qu’il intègre le poste le plus important de sa vie politique en tant que chef du gouvernement de la ville de Mexico. C’est suite aux poursuites judiciaires menées à son encontre par le PRI et le PAN que sa popularité explose. À tel point que Vicente Fox, la personne à l’origine de ces démarches, ordonne de les faire suspendre.

Atteignant deux fois la seconde position, en 2006 et 2012, il a pourtant frôlé la victoire. En 2012, le vainqueur, Felipe Calderón, gagne avec une avance minime : les résultats (35,89 % contre 35,31 %, selon les résultats définitifs publiés par l’Institut Fédéral Électoral) furent largement contestés par López Obrador, qui a toujours montré son mécontentement face au scrutin qui, pour lui, témoigne de la fragilité de la démocratie au Mexique. Loin de se laisser décourager, López Obrador s’est (re)présenté aux élections de 2018, dans l’espoir que, cette fois-ci, elles soient plus démocratiques, libres et crédibles.

Juntos Haremos Historia, c’est ainsi que se nomme la coalition dont López Obrador est le leader et qui, selon la majorité des sondages, va remporter les prochaines élections. Dimanche dernier, à Ciudad Juárez (État de Chihuahua), cette coalition a marqué le début de la campagne électorale. Le choix de cette ville, non loin de la frontière avec les États-Unis, ne semble pas anodin. D’une part, cette ville n’est autre que l’une des plus dangereuses du monde, la ville d’origine de Benito Juárez, ancien président mexicain, qui a forgé sa réputation en résistant à l’intervention colonialiste. Cela n’est pas sans rappeler la position de López Obrador face aux menaces du président Donald Trump. Contrairement à son homologue américain, López Obrador s’est engagé à réduire la violence de Ciudad Juárez en instaurant différentes mesures telles que l’augmentation des salaires, la réduction des impôts et la mise en place de politiques sociales. Aussi López Obrador propose de dialoguer avec Trump afin de le persuader de changer sa ligne politique : «ce n’est pas avec des murs qu’on résout les problèmes», a-t-il souvent déclaré.

Et ce n’est pas seulement par rapport à son point de vue sur la politique extérieure que sa remise en question du modèle néolibéral a été fortement contestée. Pour beaucoup de citoyens au Mexique, sa position sur certains points (comme il a récemment exprimé dans le débat de la Milenio Digital) semble controversée : la violence, l’éducation, l’insécurité, etc. Des problèmes pour lesquels les solutions qu’il propose sont très souvent disqualifiées. Par exemple, par rapports aux «ni-ni» (des jeunes qui ne travaillent et n’étudient pas), des jeunes qui font partie de groupes armés de délinquants. Pour lui, il faut leur proposer un travail ou les inciter à reprendre des études afin de leur permettre de se réintégrer à la société. «Plus de boursiers et moins de sicaires.» Nombreux sont ceux parmi les groupes et la presse de droite qui ne croient absolument pas à ces idées. Selon eux, ces mesures demandent un budget dont le Mexique ne dispose pas. De son coté, López Obrador envisage de récolter la somme nécessaire de manière très «logique» : la lutte contre la corruption.

La corruption, c’est le problème le plus grave du pays pour López Obrador. Selon lui, l’un des points faibles de la politique mexicaine se trouve dans l’absence de volonté politique de lutter contre cette corruption. Certains lui répondent qu’il existe déjà des institutions qui œuvrent dans ce sens, comme l’INAI. Selon López Obrador, cela n’a pas du tout fonctionné pour diverses raisons. L’un de ses arguments : cette institution coûte très cher, près d’un milliard de pesos par mois et, en plus, les conseillers qui y travaillent sont trop payés. Pour lui, il est inadmissible qu’ils ne se soient pas prononcés par rapport à Odebrecht. C’est ainsi que pour lui cette institution ne fait que dissimuler la corruption au lieu de lutter contre elle.

Depuis l’Europe, López Obrador peut être perçu comme un anti establishment. «Je veux construire une démocratie», «il n’y a pas de démocratie», ces déclarations soulignent son point de vue, loin d’être approuvé par les élites économiques et financières de son pays. Il a promis de réduire son salaire de moitié, de ne pas recourir aux services qui lui sont octroyé en tant que président, d’habiter chez lui, au lieu de déménager à la résidence du président du pays, qui sera transformée en un endroit destiné à l’art et la culture. «Je vais gouverner avec l’exemple et l’austérité» a-t-il publié sur les réseaux sociaux.

Par exemple, sur Twitter, il a récemment critiqué l’ITAM – une université prestigieuse du Mexique où de nombreux hommes politique du pays ont fait leurs études. En effet, certains travaillent au Trésor Public, la SHCP, provenant de l’ITAM, comme Cordero, Meade et Videgaray. Pour lui, ils sont responsables de ce qu’il qualifie de «tragédie nationale». «Ce sont de mauvais spécialistes, corrompus, qui sont devenus des riches» comme Calderón et Peña. Des déclarations qui témoignent d’un système entièrement corrompu. Il a également remis en question la démocratie telle qu’elle est mise en œuvre au Mexique. Pour lui, une démocratie qui se plie aux décisions parlementaires n’est pas une vraie démocratie. Il est pour une démocratie participative dans laquelle les citoyens pourraient s’exprimer régulièrement et librement, y compris sur des questions très polémiques, en dehors du débat parlementaire. Cependant, certains pensent qu’il est inadmissible de faire passer par référendum des sujets où la loi devrait s’imposer sur l’avis des citoyens, par exemple des questions liées aux droits civils des personnes homosexuelles.

Trop narcissique pour certains, il déclare que, s’ il remportait les élections, il deviendrait l’un des plus importants présidents du Mexique : «je veux marquer l’histoire comme Benito Juárez, Benito Madero ou le général Lázaro Cárdenas.» Pour de nombreux citoyens, López Obrador est celui qui va redonner sa fierté au pays. Fierté dont le pays a besoin pour que l’on puisse le transformer.

Mario PÉREZ MORALES