« Iboru Boya », le nouvel album de Javier Campos, entre tradition afro-cubaine et musiques actuelles

Le percussionniste cubain Javier Campos Martínez vient de sortir son deuxième album, Iboru Boya, en avril dernier. Plus de 20 ans après son premier album Iyabakua, il signe avec Iboru Boya l’aboutissement d’un projet qui a débuté depuis quelques années à Cuba. Ce nouvel opus est le résultat des graines qu’il a semées tout au long de son chemin musical : il marie de façon harmonieuse les rythmes et les chants afro-cubains avec les musiques actuelles telles que le jazz et l’afrobeat.

Photo : Music Latin

Initié enfant à la musique afro-cubaine auprès des grands maîtres tels que Ángel Bolano et Regino Giménez, Javier Campos Martínez s’est nourri des différentes influences musicales qu’il a pu rencontrer durant son parcours. Il a joué dans de nombreux groupes, notamment afro-cubains, tels qu’Obà Ilu et Bayuba Cante. Il a également accompagné de nombreux artistes de renom comme Chucho Valdés, Kenny Garret ou encore Omar Sosa sur la scène internationale. Installé en France depuis 2001, son chemin musical a croisé des musiciens de tous horizons, l’ouvrant ainsi à d’autres univers. Ce n’est donc pas un hasard s’il a choisi comme titre d’album Iboru Boya : ces mots sont une expression Yoruba qui signifie « semer et récolter avec gratitude ». Cette expression dépeint avec exactitude l’être et le travail de l’artiste.  Il est à la fois attaché à ses racines et ouvert sur le monde, enrichissant ainsi sa pratique musicale.

Son deuxième albummarque une étape importante dans sa vie. Il a écrit la plupart des compositions et des textes. Il puise son inspiration dans sa vie quotidienne et dans son environnement fortement ancrés dans la culture afro-cubaine. Les éléments naturels tel que la lune, la mer, la forêt sont pour lui source de créativité. L’amour et la fraternité sont aussi des thèmes qu’il porte dans Iboru Boya.

Composé de neuf titres, ce nouvel album nous invite pendant trente-cinq minutes à écouter et à danser sur des rythmes essentiellement festifs. Le titre « Yalorde » rappelle le zouk des Antilles françaises. Le titre « Corazón lindo » marie les tambours africains aux sonorités funk et reggae.  Et le titre « Iboru Boya », nous berce aux sons d’une voix féminine et de la voix de Javier Campos Martínez.  L’album est une synthèse entre la musique traditionnelle afro-cubaine et les musiques actuelles comme le jazz, le reggae, l’afrobeat ou encore la funk. Plusieurs artistes talentueux ont participé à l’album accompagnant le Maître avec justesse. Nous pouvons citer Ruben Paz qui est au saxophone et à la flûte traversière, Pablo Espinosa à la basse, Yoandy San Martin à la batterie, et Borix Sudres à la guitare tres.

Une musique nourrie par l’héritage de l’histoire afro-cubaine

Javier Campos écrit ses textes en espagnol et en langue Yoruba. Cette dernière, tout comme la musique afro-cubaine, sont des éléments importants de l’héritage issu de l’histoire de l’île marquée par le colonialisme. Les esclaves africains qui ont été transportés à Cuba venaient de différentes ethnies d’Afrique de l’Ouest, principalement du Nigéria et du Bénin. L’ethnie Yoruba est la plus importante à Cuba. Elle fait partie des créateurs de la musique traditionnelle afro-cubaine qui est fortement liée à la vie religieuse. À leur arrivée, les esclaves africains ont dû se convertir au catholicisme sous peine de punition. Mais attachés à leurs croyances, ils ont fusionné les saints catholiques avec les dieux africains. Ce syncrétisme religieux a donné naissance au culte des Orishas qui fait partie de la tradition religieuse appelée Santería. La musique accompagne les événements de la vie des Afro-cubains.  Le chant, la danse et la percussion qui se pratique sur des tambours appelés batás sont les formes d’expression de cette musique. Le premier album du Maître, Iyabakua, est une référence dans ce domaine.

L’artiste poursuit comme objectif de promouvoir et de diffuser cette musique séculaire à travers non seulement la pratique musicale mais également à travers l’enseignement. Il a enseigné à l’Ecole National des Arts (ENA) et à l’Institut Supérieur des Arts (ISA). Réputé outre-atlantique pour sa pédagogie, il a donné des cours de percussion traditionnelle afro-cubaine au Conservatoire de Rotterdam et à l’école Abanico de Paris. En 2004, il a même sorti un DVD pédagogique sur la percussion pour jouer la rumba cubaine. Pour lui, la pédagogie est très importante « que ce soit par l’enseignement de la pratique ou des conférences musicales. »

Stéphanie CAO