Il y a un an l’écrivain chilien Luis Sepúlveda décédait du Coronavirus à Gijón en Espagne

Il était hospitalisé depuis la fin du mois de février 2020. L’écrivain chilien engagé, forcé à l’exil sous la dictature d’Augusto Pinochet, est mort à soixante-dix ans en Espagne du Covid-19. Il a été emporté par cet horrible virus, alors qu’il avait encore tant d’histoires à nous raconter et de réflexions sur notre monde à nous soumettre et à partager… Les Éditions Métailié, fidèles à Luis Sepúlveda, publient cette semaine Journal d’un tueur sentimental, dans la collection « Suites ». Nous transcrivons ici l’hommage que nous avons publié en avril 2020 sous la plume de Louise Laurent.

Photo : Université du Chili

Né au Chili en 1949, il fut un grand défenseur des droits de l’homme. Condamné par la dictature de Pinochet à 28 ans de prison, il n’en fait finalement que deux et sort des geôles chiliennes grâce à Amnesty International. Il sillonne l’Amérique latine : Équateur, Pérou, Colombie et Nicaragua où il se bat dans une brigade sandiniste. Puis, il gagne l’Europe, l’Allemagne et l’Espagne et ne retournera jamais s’installer au Chili. Il écrit de la fiction tout en militant pour les minorités indiennes comme les Shuars, avec lesquels il a vécu un an, et les Mapuches.

Il se fait connaître en France, dès 1992, avec la parution d’un chef d’œuvre : Le vieux qui lisait des romans d’amour. C’est l’histoire d’un vieux pittoresque et solitaire dans le monde dur de la forêt amazonienne où les hommes sont peu reluisants et où la nature sauvage est bafouée, qui s’affronte avec beaucoup de dignité à cette femelle jaguar, devenue folle après qu’un gringo a tué ses petits. Il finira par retourner à sa cabane et à ses lectures qui lui « faisaient oublier la barbarie des hommes.» Ce roman écologique, très beau a fait réfléchir et a ému non seulement des adultes mais aussi des centaines de collégiens.

De la même façon, Luis Sepúlveda va enchanter petits et grands par des contes animaliers qu’il dédie à ses petits-enfants. Ce sont des récits touchants, parfois drôles et pleins de tendresse, imprégnés de l’amour de la nature et d’une profonde réflexion sur la tolérance. On peut citer la très pédagogique Histoire d’un chien mapuche où, par les souvenirs du chien, nous découvrons la communauté mapuche et son respect pour la nature que les Blancs massacrent. N’oublions pas, bien sûr, l’essentiel de son œuvre : les romans pour adultes.

L’auteur nous fait  réfléchir sur les terribles années de la dictature par le biais de personnages qui ont terriblement souffert pour s’être opposés. Ce sont des histoires palpitantes avec des aventures, des péripéties, des coups de théâtre, des situations émouvantes ou révoltantes, écrites d’un style simple et efficace pour entraîner le lecteur dans le sillage des personnages. Citons deux exemples : Un nom de torero écrit en 1994, et la suite du destin de Juan et Verónica, vingt ans plus tard dans La fin de l’histoire écrit en 2016. Dans ces deux romans, l’auteur reconstitue des scènes du passé de chaque personnage, dévoile des destins malmenés depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à maintenant, de l’Europe à l’Amérique du Sud. Derrière l’intrigue accessible à tous, apparaît la profondeur de la réflexion sur ce monde, sur notre humanité si imparfaite et aux buts souvent si dérisoires.

Nous n’allons pas citer tous les romans ni les essais de Luis Sepúlveda, il faut aller les découvrir et lire à nos enfants et petits-enfants les « Histoires » qu’il nous a laissées. Un bel héritage, précieux pour les lecteurs !

Louise LAURENT

La presse francophone a largement souligné la disparition de Luis Sepúlveda et le site sa maison d’édition en France (éd. Métailié) publie la liste de tous livres en français ici.

Journal d’un tueur sentimental traduit par Anne-Marie Métailié. « Un professionnel ne mélange jamais le travail et les sentiments. Il exécute des contrats pour un chèque à six zéros, net d’impôts, sans s’interroger sur les raisons de son commanditaire. Mais comment peut réagir un tueur qu’une belle Française laisse tomber ? Six journées d’une course mouvementée d’aéroport en aéroport, de la Turquie au Mexique, à la poursuite d’une cible étrange et fuyante, ou bien poursuivi par un amour tout aussi insaisissable. Un texte parodique et drôle à l’usage de ceux qui n’ont jamais de doute ». Derrière les mots, la jubilation de l’écrivain est contagieuse. Sepúlveda nous offre un petit bijou.