Quatrième roman d’Edyr Augusto : Psicca – Âmes sensibles, s’accrocher

Les éditions Asphalte nous proposent le quatrième roman du brésilien Edyr Augusto, Psicca, 138 pages très denses, d’un réalisme extrêmement rude. Nous y découvrons le monde actuel cruel des trafiquants d’êtres humains qui alimentent les réseaux de prostitution de mineures dirigées vers Cayenne.

Photo : Éditions Asphalte

On y découvre aussi les pirates du fleuve aux portes de Belém, complices des notables corrompus, à travers le parcours de personnages qui ne sortiront pas tous vivants de cette sombre histoire et qui tournent tous autour de la protagoniste, pauvre adolescente de quatorze ans victime des abus des hommes dès les premières lignes et qui ne verra pas son sort s’améliorer. En effet, tout commence par les ennuis en chaîne de Janalice, 14 ans, victime de l’indiscrétion de son petit ami qui a mis en ligne une vidéo de leurs ébats intimes. La malheureuse chassée du toit paternel sera victime également du compagnon de sa tante qui l’a recueillie, puis enlevée, vendue, revendue, tirée au sort, droguée à la cocaïne pour la rendre docile, elle finira dans un bordel de Cayenne, soumise à des cadences infernales, tandis que d’autres jeunes comme elles tournent dans la forêt amazonienne, destinées aux plaisirs des orpailleurs. Janalice, à la fin est devenue une épave, junkie irrécupérable, sans apparence de sensibilité ni de mémoire.

En parallèle le récit aborde d’autres trafics, dont celui du fret volé par des pirates du fleuve, puis revendu à prix cassé aux propriétaires complices qui se sont fait rembourser par les compagnies d’assurances. Ces bandes de voleurs, on les voit à l’œuvre, agissant avec une sauvagerie inouïe et gratuite sur les bateaux pris d’assaut ou dans des cambriolages de magasins sur les îles. C’est ainsi que l’on suivra le sort du Portuga, victime de ces voleurs, dont la femme connaît une mort atroce qui nous est racontée crûment. Cet homme poursuivra sa vengeance, remontant la piste des différents acteurs et croisant au passage Janalice lors d’une fête de notables où elle est offerte comme une marchandise aux VIP. Lui seul parmi tous les personnages, après bien des malheurs, s’en sortira et refera sa vie professionnelle et sentimentale.

D’autres personnages entraînent non pas la sympathie mais un peu de pitié, comme le voyou Prea tombant amoureux de Janalice et tentant de la racheter au souteneur qui emmène son lot de filles à Cayenne. Puis ruiné, il devient orpailleur clandestin en Guyane et victime à son tour des chefs français des garimpos. Dans cet univers cauchemardesque, tous les ingrédients sont réunis, rivalité des bandes pour les trafics, extrême violence dans la vengeance, mépris total de l’être humain, amer camouflet pour la police quand elle tente de démanteler les réseaux et que les notables corrompus s’en sortent grâce à leurs relations.

Le récit est mené à un rythme trépidant, alternant phrases courtes et phrases nominales qui claquent comme les coups de feu ou de machette  jalonnant les pages ; les dialogues sont mis bout à bout, sans tiret, sans incise, rendant très efficace la nervosité des rapports entre les personnages. L’auteur peint avec un réalisme cru, sans le filtre de métaphores ou d’expressions édulcorées, la violence extrême qui règne dans les rapports humains de ces régions du monde. Et comme dans les romans précédents d’Edyr Augusto, derrière le paravent de la fiction apparaît un véritable documentaire sur la réalité sociale de Belém, des îles alentour et ici, en plus, de la Guyane française et de Cayenne. Encore une fois, voilà un roman incontournable, à lire de toute urgence, même si les âmes sensibles doivent s’accrocher.

Louise LAURENT

Psicca de Edyr Augusto, traduit du portugais (Brésil) par Diniz Galhos, 138 p., Asphalte éditions 2017, 15 euros.