« Le voyage d’Octavio » roman du singulier Miguel Bonnefoy

Un père chilien, une mère vénézuélienne, né en France, en 1986, écrivant en français et déjà remarqué par de prestigieux jurys de prix littéraires, tel nous apparaît Miguel Bonnefoy, qui se voit comme un pont entre ses deux continents grâce à une culture partagée. Le voyage d’Octavio, son premier roman, est aussi une très bonne surprise pour un lecteur français, habitué ou non de la création latino-américaine. Il est un des 18 écrivains latino-américains invités pour nos prochaines Belles Latinas de novembre 2015.

Un court récit qui semble prendre des chemins connus (celui du roman d’initiation, celui du prétendu « réalisme magique ») pour mieux nous en faire sortir et ainsi nous surprendre et même parvenir à nous émerveiller à nouveau, voilà à quoi ressemble Le Voyage d’Octavio. On ne sait rien ou presque d’Octavio, ce qui donne au lecteur le pouvoir de le créer lui aussi à sa manière, comme il pourra créer, à partir de ce que propose le narrateur, les ambiances, les paysages, il pourra aussi méditer sur la misère, la religion ou la magie.

Octavio n’a jamais appris à lire, il n’ose l’avouer, la page où nous le découvrons est superbe : tout est dit avec les mots les plus simples, tout est senti, plus exactement, c’est de la pure poésie, et pourtant on est au sein de la triste réalité d’Octavio. Dans la pharmacie du quartier, qui est un bidonville, Octavio fait une rencontre et naît une histoire d’amour, avec ou sans mots, car les mots sont au cœur du roman, les mots qu’on ne sait pas déchiffrer, ceux que l’on prononce et ceux que l’on tait volontairement ou seulement parce qu’on ne sait pas. Et le mot, Miguel Bonnefoy, lui, sait le manipuler, l’arranger, le créer à l’occasion.

Avec ses mots ordinaires ou inattendus, il dévoile un univers familier au lecteur de romans latino-américains, bien à lui pourtant, fait de fulgurances poétiques, de digressions qui brusquement retrouvent leur cours… et leur personnage principal, Don Octavio, sorte de Candide moderne qui va d’un lieu à l’autre ou qui, peut-être ne bouge pas si ce n’est dans sa tête.

Pour le lecteur en tout cas c’est un véritable voyage à travers le Venezuela, un Venezuela de rêve et de réalité, rempli d’images et de sensations.

Christian ROINAT

Miguel Bonnefoy : Le voyage d’Octavio, Rivages, 124 p., 15 €.