Panamá, surprise aux  présidentielles

Ce dimanche 4 mai, il s’agissait d’élire le président de la République et son vice-président, 71 députés, 77 maires, 648 représentants municipaux et  20 députés au Parlacen, le Parlement centraméricain. Démentant tous les sondages, les électeurs ont choisi Juan Carlos Varela du Partido Panameñista (parti conservateur) à la présidence de la République. On ne s’attend pas à de grands changements de politiques…

Pour ces présidentielles, sept candidats briguaient le poste y compris un parti ouvertement de gauche pour la première fois depuis 1989 ! Trois candidats avaient des chances de gagner. José Domingo Arias de Cambio Democrático (Changement démocratique, CD) représente le parti actuellement au pouvoir. Entrepreneur du secteur textile et de la lingerie féminine, M. Arias fut le ministre du Logement du président sortant, Ricardo Martinelli. Sa colistière est Marta Linares, épouse de  Martinelli, d’où d’inévitables accusations de “vouloir diriger le pays par personnes interposées” lancées contre lui  par ses opposants. Le CD s’est allié avec le MOLIRENA (Mouvement libéral républicain nationaliste, droite) pour former l’alliance “Unis pour plus de changements”. Considéré comme le principal rival du CD, Juan Carlos Navarro du Partido Revolucionario Democrático (PRD), proche du secteur financier, fut  maire de la capitale (1999-2009). Il se considère comme un social-démocrate et a promis “mano dura” contre la vie chère, la corruption et  les délinquants.

Juan Carlos Varela du Partido Panameñista (PPa) est paradoxalement à la fois dans l’opposition et vice-président de la République ! En effet, pour remporter les élections de 2009, le CD de Martinelli et le PPa de Varela avaient signé (dans l’ambassade des États-Unis !) un pacte d’alliance, Varela étant récompensé par le poste de vice-président et de ministre des Affaires étrangères. Très vite, des dissensions apparurent et dès 2011, Varela fut démis de son ministère. Refusant de démissionner de la vice-présidence, il entra en opposition au gouvernement. Pour cette élection, le PPa est en coalition avec le Partido Popular (PP) pour former “L’alliance pour le peuple”. Les autres candidats étaient le professeur d’université  Juan Jované du Mouvement indépendant pour une refondation nationale (MIREN) ; les indépendants Gilberto Barroso, journaliste radio et Esteban Rodríguez, transporteur ;  et Genaro López, syndicaliste, du Frente Amplio por la Democracia (Front ample pour la démocratie, FAD), le premier parti de gauche depuis longtemps. Les sondages donnaient tous José Domingo Arias du parti au pouvoir gagnant devant Juan Carlos Navarro du PRD et, plus loin, Juan Carlos Varela du Parti Panaméen. Les sondages avaient tout faux puisque c’est Varela qui l’emporte largement avec huit points d’avance sur Arias. L’autre surprise est le faible résultat de Genaro López du FAD de gauche.

Pas de bouleversement en vue malgré des inégalités croissantes…

Les analystes politiques panaméens étaient d’accord sur un point : quel que soit le gagnant,  il ne faut  s’attendre à aucune mesure sociale d’envergure, il n’y a ici aucun combat idéologique, rien ne changera au Panamá ! Les trois candidats sont tous très liés aux États-Unis et, hommes d’affaires,  profondément néolibéraux. Pourtant, malgré les énormes revenus du Canal de Panamá, l’emploi informel  est le lot de 50 % de la population, la pauvreté frappe déjà 35 % des Panaméens et les inégalités augmentent (le Panamá est le sixième pays le plus inégal sur les 35 pays des Amériques selon la CEPAL, une agence des Nations unies). Beaucoup de pauvres n’ont même pas accès à l’eau potable…

Juan Carlos Varela (51 ans) pourra-t-il changer cette situation ? Homme d’affaires prospère dans les alcools (surtout le rhum Seco Herrerano), ingénieur industriel formé aux États-Unis, actionnaire des radios Mix, La Típica et Blast, il est aussi très lié à l’Opus Dei. Il a promis de s’attaquer à la corruption qu’il affirme s’être développée sous le mandat de Martinelli mais déclare aussi qu’il poursuivra les grandes lignes des politiques de “grandes œuvres” de son prédécesseur (qui avait endetté le pays pour agrandir le Canal de Panamá et construire le premier métro d’Amérique centrale). Dans un raccourci assez étonnant, il promet “de montrer la fermeté d’un Uribe et le cœur d’une Bachelet »  (le premier étant un ancien président très à droite de la Colombie et la seconde, récemment réélue présidente du Chili, est considérée comme de centre gauche !).

Sa colistière et donc future vice-présidente, est Isabelle Saint Malo, une spécialiste en politiques publiques. Ce binôme déclare qu’il s’attaquera de front aux inégalités sociales et mènera sa politique de manière transparente. Ce ne sera pas chose facile car le parlement sera très majoritairement contrôlé par l’opposition. De son côté, le petit  peuple qui a créé la surprise en rejetant les deux partis traditionnels, aspire toujours à voir enfin une  amélioration de ses conditions de vie.

 

Jac FORTON

Les résultats :

-Pour la présidence :
Juan Carlos Varela (Partido Panameñista) : 39 %. José Domingo Arias (Cambio Democrático) : 32 %. Juan Carlos Navarro (Partido Revolucionario Democrático) : 28 %. Genaro López (Frente Amplio por la Democracia) : 0,6 %. Juan Jované (MIREN) : 0,6 %. Gilberto Barroso (Indépendant) : 0,1 %.

-Pour la Chambre des députés :
Résultats préliminaires : l’Alliance Unis pour plus de changements obtient 29 sièges (28 CD et 1 Molirena), le PRD 22 sièges, l’Alliance pour le peuple 12 sièges (11 PPa et 1 PP), un siège pour un indépendant et aucun siège pour les autres partis. Il reste quelques sièges à pourvoir.