Le site de France Inter nous informe du croisement du hip hop et de la musique traditionnelle, une nouvelle vague de chanteurs mexicains qui défraie la chronique avec sa fascination pour l’univers des narco-trafiquants.
Photo : Mexica
Voilà un nouveau sujet qui fâche dans ce pays où la guerre contre la drogue a déjà fait plus de 150 000 morts. Ils s’appellent Peso Pluma, Natanael Cano, Banda MS ou Grupo Firme : ce sont les nouveaux visages de la scène musicale mexicaine, et la violence de leur propos est à l’image de ce pays miné par le trafic de drogue et la criminalité. Baptisée « corridos tumbados », leur musique – mélange de hip hop/Rn’B et de sonorités typiquement mexicaines (trompettes, contrebasses, guitares acoustiques) – est en train de devenir un phénomène global, des États-Unis à l’Amérique latine.
L’exotisme de cette musique a de quoi séduire, mais au Mexique c’est le message véhiculé qui fait débat. Il faut voir sur scène le chanteur Peso Pluma (‘Poids plume’ en français) apparaître en tenue de tueur à gages, cagoule noire sur la tête tel un guerrillero. Face au public en délire, le jeune rappeur originaire de Gualalajara clame son respect pour « El Chapo », le plus célèbre des barons de la drogue mexicains, incarcéré aux Etats-Unis. Et dans ses clips, comme celui de PRC (en duo avec Natanael Cano), il joue sans vergogne les narcos en plein business.
Le phénomène n’est pas nouveau, puisqu’il existe au Mexique une longue tradition de chansons de narco-trafiquants. On les appelle narco-corridos : des ballades sur fond de musique traditionnelle mariachi qui racontent le quotidien violent du monde de la drogue. Ces chansons semi-illégales ont connu un immense succès ces vingt dernières années. Certaines sont devenus des tubes, comme celle-ci, avec son clip qui met en scène d’authentiques criminels d’un groupe mafieux.
À entendre ses défenseurs, la nouvelle génération ne ferait que moderniser un genre déjà florissant, en le transplantant dans l’univers urbain du hip hop, naturellement friand de drogues et de violence armée. Peso Pluma et ses congénères se défendent d’ailleurs en disant qu’ils ne font que documenter la réalité qui les entoure. Difficile de leur donner tort dans ce pays où la guerre contre la drogue a déjà fait plus de 150 000 morts. Mais ce qui inquiète les autorités, c’est l’ampleur du succès de cette musique, notamment auprès d’un très jeune public. D’où la volonté dans plusieurs états mexicains d’interdire les corridos tumbados. Ces derniers mois, certains artistes comme Grupo Firme ont été contraints d’annuler des concerts prévus dans des villes telles que Tijuana ou Cancun, où les autorités locales ont décidé d’agir au nom de la « défense de la santé mentale des enfants ».
Un succès viral, impossible à canaliser
Dans le passé, le Mexique a déjà tenté à plusieurs reprises de légiférer contre les musiques glorifiant le trafic de drogue, mais cela n’a jamais vraiment fonctionné. Tentative d’autant plus illusoire aujourd’hui, avec la diffusion virale de la musique via les réseaux sociaux, sur un marché musical de plus en plus globalisé. Le président mexicain lui-même, Andres Manuel Lopez Obrador s’est exprimé dernièrement sur le sujet. Il se défend de vouloir censurer la musique des jeunes, mais rappelle que la lutte contre le narcotrafic est une priorité nationale. Pour toucher la jeunesse, le gouvernement mexicain a donc choisi d’utiliser les mêmes outils, avec cette chanson postée sur les réseaux, et qui entend mettre en garde contre les dangers du fentanyl, cette drogue chimique devenue un véritable fléau.
D’après France Inter