Un deuxième chapitre constitutionnel au Chili : entre conservatisme et volonté de changement

Après le rejet en 2022 du projet progressiste porté par la gauche et les mouvements sociaux, l’extrême droite chilienne est désormais aux commandes de l’élaboration d’un nouveau texte, orienté vers le conservatisme et l’ultralibéralisme. Ce virage conservateur s’avère être un catalyseur des divisions, représentant un revers significatif pour le gouvernement de Gabriel Boric, qui entendait voir naître une Constitution issue de la démocratie.

Photo : France24

En septembre 2022, le Chili était sur le point d’adopter une nouvelle constitution, qualifiée de « plus progressiste du monde » en réaction à des années d’ultra libéralisme. Ce projet, porté par 154 membres issus majoritairement des mouvements sociaux et des partis politiques de gauche, avait pour ambition de rompre avec les vestiges de l’ère du général Pinochet. Il proposait une charte féministe et paritaire, mettant en avant l’État social et démocratique, le « plurinationalisme » et l’écologie. Un texte répondant aux aspirations exprimées lors des manifestations populaires de fin 2019, réclamant notamment un droit universel à la santé et l’arrêt de la privatisation de l’eau.

Cependant, un an plus tard, avec un rejet massif par référendum (62 %), les Chiliens se trouvent confrontés à un nouveau texte, d’abord issu d’un avant-projet élaboré par une commission d’experts désignée par le Congrès, puis redéfini par un Conseil constitutionnel largement dominé par l’extrême droite. Les changements significatifs apportés par le Parti républicain ont profondément modifié le projet initial, suscitant des critiques quant à la déviation du consensus initial.

« En raison de décisions politiques qui ont outrepassé la volonté de certains commissaires, l’esprit de l’accord a été remplacé par des objectifs politiques étrangers au pacte constitutionnel », a déploré Verónica Undurraga, du parti de centre-gauche au pouvoir et présidente de la Commission d’experts, un organe composé de 24 professionnels nommés par les partis politiques. Un projet de loi rédigé par des experts et qui a obtenu un soutien transversal ces derniers mois, a en effet subi d’importantes modifications au sein du Conseil, principalement sous l’impulsion du parti républicain d’extrême droite et avec le soutien du parti de droite traditionnelle Chile Vamos.

À l’approche du nouveau scrutin prévu pour le 17 décembre, les sondages indiquent des chances élevées de rejet. Les modifications opérées au sein du Conseil constitutionnel, où les droites ont fait prévaloir leur majorité, ont laissé la gauche insatisfaite, soulignant l’absence de modifications espérées pour atténuer le caractère conservateur du texte. Les Chiliens s’apprêtent à voter pour une seconde tentative de remplacement de la Constitution héritée de la dictature et qui a déjà fait l’objet de 60 modifications depuis 1989. Le sentiment dominant dans l’opinion publique semble être en faveur du rejet de ce nouveau projet, soulignant le désir persistant de changements significatifs dans le pays.