Il y a quelques semaines sortait en France No, le film de Pablo Larraín, dont le scénario s’inspirait d’une pièce inédite de Antonio Skármeta. Or Antonio Skármeta aime bien surprendre –se surprendre-, il aime bien aussi multiplier les points de vue sur un même sujet. Il existe plusieurs versions de Ardiente paciencia sous forme de roman ou de films. Parallèlement à la rédaction de sa pièce il composait ce roman, Les jours de l’arc-en ciel, sur le même sujet, la préparation de la campagne, mais avec d’autres personnages, une autre tonalité, une autre focalisation.
Ici, tout est vu à travers deux personnages, Adrián Bettini, le responsable de la campagne publicitaire et Nico Santos, un adolescent, fils d’un professeur de philosophie arrêté par les militaires sous les yeux de ses élèves (dont Nico), petit ami de la fille de Bettini. Manière habile de resserrer le récit pour mieux l’approfondir. Chacun vit son drame personnel, la menace constante pour Bettini, l’absence du père et l’inquiétude grandissante pour Nico qui, obéissant à la volonté du professeur, feint de vivre « normalement » dans l’attente de son retour.
Il est particulièrement intéressant de lire ce roman si on vient de voir le film, pour lui-même d’abord, c’est un excellent récit, sensible, tour à tour grave et optimiste, avec de beaux personnages qui forcement suscitent notre empathie, mais surtout pour être constamment surpris par les différences. Dans le film, le mouvement est omniprésent, tout bouge tout le temps, le roman est beaucoup plus intérieur, il montre le combat personnel des deux hommes et, finalement, leur victoire (il n’y a pas de suspense, le lecteur connaît d’avance l’épilogue). Une preuve de plus, réussie, de la richesse de la création littéraire.
Christian ROINAT