« À contretemps », un thriller de l’espagnol Juan Diego Botto en salle cette semaine

Pour son premier film en tant que réalisateur, l’acteur espagnol Juan Diego Botto convoque les grandes règles du “film-dossier”, dans la ligne directe de Dark WatersGoliath ou Boîte noire. Pris dans une course effrénée contre le temps, ses protagonistes (brillamment incarnés par deux acteurs de légende) luttent pour leurs droits et libertés, mais surtout pour faire éclater la vérité face à des organismes dont la puissance les domine. Un film implacable teinté d’engagement politique et social. 

Photo : Allociné

Rafa (Luis Tosar, primé trois fois aux Goya), est un avocat aux fortes convictions sociales. Lorsqu’un nouveau dossier lui est confié, il s’engage dans une course contre la montre pour retrouver la mère disparue d’une enfant, sans quoi la fillette sera placée en foyer. Passé minuit, plus rien ne sera possible. Son enquête l’amènera à croiser la route d’Azucena (l’incontournable Penélope Cruz), une femme injustement menacée d’expulsion dont le seul espoir réside dans la révolte populaire qu’elle tente d’instiguer.

L’acteur espagnol Juan Diego Botto, vu dans l’inoubliable The Suicide Squad en dictateur insulaire et romantique épris de Margot Robbie, réalise ici son premier film. Pour se faire, il s’adjoint les services de Penélope Cruz en tant que productrice mais aussi devant la caméra ainsi que de la star locale Luis Tosar comme tête d’affiche. Il y a pire pour un premier essai et pour ce que l’on pourrait appeler un film entre thriller social et chronique de mœurs aux intentions éminemment louables et nécessaires. 

En effet, À contretemps entend pointer du doigt les dysfonctionnements de nos sociétés capitalistes au niveau de la crise du logement. On parle donc ici d’évictions injustes, de droit au logement, de précarité et d’emploi. Il y a des airs de Stéphane Brizé, de la fratrie Dardenne ou encore de Ken Loach ici. Mais on est tout de même loin de ses illustres modèles.

Le scénario fait le choix, pas forcément le plus judicieux, de partir sur une mosaïque de personnages qui se débattent avec ces problèmes durant une seule journée. Attention on n’est pas chez Robert Altman ou Wes Anderson et il n’y aura pas pléthore de personnages qui se croisent mais juste trois trajectoires de deux ou trois protagonistes chacun. D’un côté, il y un avocat spécialisé dans le droit social qui sacrifie sa famille au profit de son travail pour retrouver une immigrée dont la fille vient d’être confiée aux services sociaux pour défaut de paiement. De l’autre on a un couple qui réagit différemment à leur éviction prochaine de leur maison ; elle va se battre pour avoir gain de cause quand lui préfèrerai fuir le pays. Enfin, on a un fils et sa mère lié par une faillite et des non-dits avec la pauvreté sociale en décor. C’est bien de choisir de montrer diverses problématiques mais ici elles ne se répondent pas ou mal (peu de liens voire pas entre les histoires) et sont déséquilibrées (la troisième apparaît presque anecdotique et artificiellement raccordée au film).

Ensuite, si À contretemps développe des passages intéressants qui font réfléchir, un documentaire eut peut-être été un peu plus indiqué tant le film manque parfois de cinéma. Le sentiment d’urgence qui le parcourt via l’unité de temps est palpable mais comme on n’est pas vraiment dans un suspense non plus, il apparaît quelque peu vain. Loin de celui retranscrit, par exemple, avec le récent film français À plein temps (Éric Gravel, 2022) qui rendait très bien cette impression et dont le sujet s’adaptait aussi beaucoup mieux à ce choix de mise en scène. Les acteurs sont bons mais font du surplace dans des rôles pas assez écrits les limitant à une trajectoire non évolutive et prévisible. Quant au chantage à l’émotion final, il semble de trop. Finalement, voilà une œuvre à la volonté pertinente et sincère mais dont le résultat a beaucoup de mal à se rendre intéressant tel quel.

Allociné -Jorik V

À contretemps de Juan Diego Botto, Espagne 1 h 45, Avec Penélope Cruz et Luis Tosar.