La réforme électorale de Andrés Manuel López Obrador provoque de fortes manifestations

Au Mexique, des manifestations ont éclaté, le 26 février 2023, contre une réforme électorale impulsée par le gouvernement du président de gauche nationaliste Andrés Manuel López Obrador (AMLO). Une mobilisation inédite depuis le début de son mandat.

 Photo : La Jornada

Cette loi, qui a été approuvée par le congrès et entrera en vigueur sous peu, prévoit de réduire le budget et le personnel de l’Institut national électoral (INE) et de limiter ses pouvoirs de contrôle et de sanction à l’égard des partis et des candidats qui ne déclarent pas leurs dépenses de campagne.  L’INE est en fait la structure responsable de l’organisation des élections fédérales mexicaines, celles qui élisent le président du Mexique, les députés et les sénateurs fédéraux. C’est l’autorité supérieure en matière d’élections. Cette institution indépendante, qui existe depuis 33 ans, a fortement transformé le système électoral mexicain en le réglementant. Son travail a permis au pays d’effectuer une véritable transition démocratique, combattant la fraude électorale et mettant fin aux 70 années consécutives de gouvernement du seul Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI). 

Concrètement, la réforme d’AMLO a pour objectif une économie de 150 millions de dollars, ce qui signifie une baisse de presque 90 % des effectifs. L’INE en explique les conséquences sur ses missions : cette coupe affecte la mise à jour et la vérification du registre électoral (composé de quelque 93 millions d’électeurs), fait disparaître le personnel chargé de la formation des jurys de vote, limite la capacité de contrôle de la propagande électorale à la radio et à la télévision et réduit les pouvoirs de sanction contre les fonctionnaires qui s’expriment en faveur d’un candidat lors d’une campagne.

Le débat sur le budget de cet institut n’est pas nouveau. Des élus avaient déjà interpellé AMLO il y a quelques années sur le sujet, le budget de l’INE ayant augmenté fortement sur une année qui ne comportait pas d’élections majeures. Cet institut est en fait dans le viseur de López Obrador depuis 2006, lorsque, sortant perdant de l’élection présidentielle contre Felipe Calderón, il appelle à recompter les voies, parle de tricherie, et invite même ses partisans à descendre dans la rue. En avril 2022, il avait déjà tenté de remplacer l’INE dans le cadre d’une réforme constitutionnelle, qui n’a pas abouti, faute de majorité au Congrès. Il lui aurait fallu, pour changer la Constitution, une majorité des ⅔. Alors, il décide de lancer cette nouvelle réforme, surnommée “plan B”, pour laquelle une simple majorité lui a suffit. 

Les opposants à cette réforme ont défilé dans les rues de Mexico, la capitale. Vêtus de rose et blanc, les couleurs de l’INE, et au son du slogan “Mi Voto no se toca” (pas touche à mon vote), ils dénoncent cette réforme qu’ils pensent antidémocratique. Certains s’inquiètent que le Mexique puisse se transformer en Venezuela. Il s’agit de la plus grande manifestation d’opposition au gouvernement de López Obrador.  D’après les autorités, la manifestation a réuni 90 000 personnes à Mexico, contre  500 000 d’après les organisateurs. Cette contestation est menée par le parti d’opposition Partido Acción Nacional (PAN), un parti de droite conservatrice.  

AMLO, qui reste malgré tout un président assez populaire, s’en est pris aux manifestants en conférence : « Ils ne se soucient pas de la démocratie, mais ce qu’ils veulent, c’est que la prédominance d’une oligarchie se poursuive, un gouvernement des riches », a déclaré le président mexicain, en mettant en cause les organisateurs et les dirigeants de l’opposition qui ont participé à la manifestation, qu’il a également qualifiés de ”conservateurs”, “d’antidémocratiques », de “corrompus” et même  “criminels en col blanc”. Cette réforme a également inquiété les autorités états-uniennes. Le sous-secrétaire d’État américain aux affaires de l’hémisphère occidental, Brian A. Nichols, a déclaré dans un message sur son compte Twitter que le Mexique  « mettait à l’épreuve l’indépendance des institutions électorales et judiciaires ». L’INE et les partis de l’opposition ont annoncé un recours contre la réforme devant les juges de la Cour suprême. L’enjeu de cette réforme est de taille, le Mexique organisant ses prochaines élections présidentielles en 2024.

Marie BESSENAY