Élections présidentielles au Brésil : un deuxième tour opposera Jair Bolsonaro à Inacio Lula da Silva

L’ex-président de gauche Lula est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle au Brésil ce dimanche dernier, devant le président sortant Jair Bolsonaro, mais son avance est moins importante qu’annoncé par les sondages et en conséquence un second tour aura lieu le 30 octobre.

Photo : Pascual Radio

L’ancien métallo et ancien président Luiz Inacio Lula da Silva a obtenu 47,91 % des voix, contre 43,65 % pour Jair Bolsonaro, seulement cinq points d’avance sur son rival d’après les chiffres du Tribunal supérieur électoral, tandis que le dernier sondage Datafolha samedi soir lui donnait 14 points d’avance. Les bureaux de vote ont fermé dimanche à 17 h (22 h à Paris) dans tout le Brésil où 156 millions d’électeurs étaient appelés à élire leur prochain président, mais aussi leurs gouverneurs, un tiers des sénateurs et les députés fédéraux et des vingt-sept États. Les candidats aux élections présidentielles étaient onze, mais en dehors de deux adversaires Lula et Bolsonaro, les neuf autres candidats se sont vus réduits à un rôle anecdotique : Giro Gomes, politicien ayant une trajectoire était l’autre candidat de centre-gauche n’a obtenu que 3 % des voix, Simone Tebet, une sénatrice s’en sortie de manière un peu plus honorable avec 4,1 % des votes. Les sept autres candidats n’ont pas dépassé 0,5 %.

L’élection s’est déroulée d’une manière « absolument tranquille », selon Alexandre de Moraes, président du Tribunal supérieur électoral (TSE), après une campagne très tendue où beaucoup craignaient des violences durant les opérations de vote. Dans ce pays de 214 millions d’habitants, (15 fois la France) les électeurs ont patienté dans des longues files dans le calme plusieurs heures avant de voter. Le président brésilien Jair Bolsonaro a aussi réussi à faire élire un nombre non négligeable de gouverneurs, sénateurs et députés même certains de ses ministres, montrant un enracinement des valeurs ultra-conservatrices que séduit l’important électorat évangélique. Les évangélistes représentent 65 millions de personnes, – il y a au Brésil plus de 14 mille temples évangéliques et Lula n’est pas bien apprécié dans ce milieu. Jair Bolsonaro a aussi fait une « bonne inversion » dépensant des milliards d’euros en aides sociales pour les plus pauvres (30 millions de Brésiliens souffrent de la faim) à quelques mois de l’élection pour faire oublier sa gestion calamiteuse de la crise du Covid-19 qui a fait près de 700 000 morts.

L’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, 76 ans qui postule à un troisième mandat, a déclaré dimanche soir, lorsque les résultats ont été annoncés par le TSE, « La Lutte continue jusqu’à la victoire finale », et il a ajouté : « Nous allons remporter cette élection ». Les deux candidats rivaux s’affronteront lors d’un second tour qui s’annonce difficile et tendu. Et l’on verra sûrement des troubles dans les rues des principales villes du pays. Bolsonaro à la manière de Trump va encourager ses partisans à pourchasser les supporters de Lula ».

Chaque élection porte son lot de surprise, en effet l’ancien militaire et actuel président d’extrême droite Jair Bolsonaro a mieux résisté que ce qu’avaient prévu les enquêtes d’opinion qui se sont fortement trompées. « Les sondages se trompent parce que parfois ne sont pas capables de capter ce que nous appelons le vote invisible. C’est ce qui est arrivé au Chili lors du référendum constitutionnel qu’à la surprise de tous ces votants “invisibilisés” a fait pencher le vote rejetant la proposition de nouvelle Constitution avec une votation écrasante. Au Brésil on connaît une augmentation de nombre de votants que les sondeurs n’ont pas su analyser », déclare l’analyste, d’origine chilienne Mladen Yopo Herrera* lors d’une entrevue avec le journal chilien El Mostrador. Et même si Lula reste favori pour le second la campagne d’un mois on imagine qu’elle sera féroce et une confrontation acharnée entre les deux adversaires. Le président sortant Jair Bolsonaro (67 ans) a menacé qu’il pourrait ne pas reconnaître le résultat du vote en cas de victoire de son adversaire.

Bien qu’ayant remporté une victoire, le résultat est une déception pour le camp de l’ex-président Lula qui a fait campagne se basant sur ces deux mandats précédents où sa politique sociale avait fait sortir 30 millions de personnes de la pauvreté, notamment dans le Sud-Est (États de São Paulo, Rio et Minas Gerais) qui concentre la majorité des 154 millions d’électeurs brésiliens. Mais le candidat du Parti des Travailleurs (PT) devra maintenant insister plus sur « les projets pour l’avenir pour son pays« , dit le même analyste. 

Il faut tenir en compte qu’au Brésil 52 % des votants sont des femmes et que le candidat Bolsonaro a fait preuve de misogynie à plusieurs reprises, que la population afro-brésilienne a connu un appauvrissement pendant son mandat et que la désastreuse gestion de la pandémie du Covid 19 a laissé des centaines de milliers de morts. Puis, le scandale du montage du juge Moro devenu ministre de la Justice pour mettre en prison à Luis Inacio da Silva Lula pour empêcher sa réélection et stopper sa carrière politique en 2018 a été connu de tous. On peut prévoir que « Les électeurs de Simone Tebet et Ciro Gomes, environ huit millions de personnes, vont décider qui sera le prochain président, déclarent les analystes.

Pour Mladen Yopo Herrera lors d’une entrevue avec le journal chilien El Mostrador« Le résultat de ce premier tour montre la force de l’ultra-droite dans le monde. Il dit aussi que les “ultra-droites sont en train d’observer avec grande attention cette élection et il déclare qu’il existerait au niveau international une connexion entre elles et même au niveau organisationnel ». D’après lui, les yeux du monde et notamment en Amérique latine sont clivés sur le processus électoral du Brésil la quatrième démocratie plus grande et quatorzième économie du monde.

Pour l’analyste, cette élection a montré que les éléments socio-économiques ont été importants, les secteurs plus riches ont soutenu Jair Bolsonaro et les plus pauvres à l’ancien président Lula. Il croit que malgré la difficulté pour Lula, il devrait gagner l’élection au deuxième tour. En effet, emporter l’élection n’est pas si simple, il faut plus du 45 % des voix, une différence de dix points sur son rival. Il croit aussi que la gauche brésilienne doit s’adapter aux temps actuels et apprendre à travailleur mieux par les réseaux sociaux comme le fait Bolsonaro qui a des « escadrons » qui le font et que le sujet des fake news n’est pas problème mineur. Un mois de campagne est long et beaucoup de choses peuvent survenir.

Olga BARRY

  • Chercheur d’origine chilienne du Programme ipolitique global de l’université SEK et docteur en Sciences politiques.