Chili, 25 octobre 2020 – Feu vert pour une constituante, plus démocratique, sociale et écologique ?

Le 25 octobre 78 % des Chiliens ont dit un adieu sans retour à l’ultime vestige constitutionnel de l’ère Pinochet. L’attente d’une nouvelle Loi fondamentale est évidente. Plus démocratique sans doute, plus sociale sans conteste. Mais sera-t-elle plus écologique ?

Photo : Enrique Cerda

Le Chili devait en 2019 organiser et présider la COP25. Les « évènements » d’octobre-novembre en ont décidé autrement. Dépassé et débordé, par les revendications sociales massivement exprimées, le gouvernement du Président Sebastián Piñera a dit pouce et passé le relai à l’Espagne. Très ibériquement cette COP 25 bien que madrilène, a été présentée par les autorités espagnoles comme la COP du Chili. Sebastián Piñera jusque là faisait figure de bon élève en matière environnementale. Choyé par le président français, Emmanuel Macron, en bisbille avec le Brésilien Jair Bolsonaro, Sebastián Piñera  avait été ostensiblement invité au G7 de Biarritz le 24 août 2019.

Les indignés de la Place d’Italie (lieu symbolique des manifestations dans la capitale chilienne) ont bouleversé l’agenda international et environnemental. La COP25 chilienne a été la victime collatérale de l’indignation sociale. Et de façon plus inattendue la ratification par le Chili de l’Accord d’Escazú (localité costaricienne) est passé lui aussi « à l’as ». L’Accord d’Escazú, moins célèbre que la COP, est la première manifestation commune d’une volonté latino-américaine de défendre la nature. Le principe de l’invention de cet accord avait été acté à Santiago du Chili le10 novembre 2014. Ses travaux avaient été initiés le 5 mai 2015, sous la présidence du Chili et du Costa-Rica, et menées à bon port en 2018. Le Chili, à la surprise de beaucoup, a décidé le 8 septembre 2020 de ne pas le ratifier.

Que dit cet Accord d’Escazú, tout aussi rondement négocié que récusé par le Chili ?  Les Etats parties s’engagent avec cet instrument international à garantir la connaissance par leurs ressortissants du droit international de protection de l’environnement, à faciliter un accès à ce droit, la participation aux décisions concernant sa défense, à garantir la protection des personnes au développement durable et à la protection de leur environnement. 

Parrainé par la CEPAL (Commission Economique des Nations Unies pour l’Amérique latine et la Caraïbe, siégeant au Chili), soucieuse de donner une dimension latino-américaine à la Conférence Rio+20 de 2012, cet accord a été co-signé le 4 mars 2018 par 23 Etats. Il devait prendre effet le 26 septembre 2020, par enregistrement au Secrétariat général de l’ONU,  sous réserve d’une ratification par 11 des signataires. A cette date, dix l’avaient fait[1]. Le Pérou, a très vite, le 20 octobre 2020, suivi le repli chilien, et annoncé qu’il ne ratifierait pas l’accord. Brésil et Colombie pourraient eux aussi suivre la voie du remord écologique chilien.

Contraint dans ses retranchements sociaux, le gouvernement chilien, aurait-il perdu ses freins démocratiques modérateurs, et glissé dans le camp des droites en refoulement radicalisé ? 

Le ministre des affaires étrangères, Andrès Allamand, s’est réfugié derrière un appareil interprétatif fondé sur l’ambiguïté supposée de l’accord. Une ambiguïté qui pourrait porter atteinte à la souveraineté du Chili, a-t-il- dit, et donc, suivons son regard, légitimer la revendication bolivienne à retrouver un accès à la mer[2]. Une ambiguïté qui accorderait des droits exorbitants aux défenseurs de l’environnement, et de leur milieu, au détriment de tous les autres citoyens porteurs d’autres droits universels. L’argument vise ici à empêcher les Mapuches de trouver une légitimité additionnelle à leurs mobilisations contre les grands projets extractivistes du gouvernement et de diverses multinationales. En résumé a conclu le ministre l’accord n’a pas de raison d’être compte-tenu de l’existence d’une solide législation chilienne, en la matière.

La Constituante à élire a réglé bien des difficultés électives. Portant sur le genre, l’indépendance des futurs élus. La représentation des autochtones, des Mapuches, reste pour l’instant en suspend. D’elle dépend en grande partie la prise en compte dans la future loi fondamentale du défi écologique.

Jean-Jacques KOURLIANDSKY

[1] Antigua et Barbuda, Atgentine, Bolivie, Guyana, Jamaïque, Nicaragua, Panama, Saint Christophe et Neiges, Saint Vincent et Grenadines, Uruguay. 

[2] A la suite d’une guerre perdue contre le Chili en 1884 la Bolivie a perdu sa façade maritime