2018, l’année de toutes les élections en Amérique latine : focus sur le Mexique, le Venezuela et le Brésil

Des élections présidentielles auront lieu dans trois pays latinoaméricains majeurs cette année : au Mexique, au Venezuela et au Brésil. L’élection de Sebastián Piñera au Chili fin 2017, et celles de Pedro Kuczynski au Pérou en 2016 et de Mauricio Macri en Argentine en 2015, semblaient confirmer le tournant vers la droite dans le Cône sud. Les élections de 2018 verront-elles la tendance vers la droite se préciser ou le centre gauche va-t-il réussir à la renverser ? Ces élections pourraient-elles amorcer la fin de la progression de la droite dans le sous-continent américain ? Si oui, il est probable que les blocs économiques et politiques (Mercosur, ALBA, Unasur) continuent à se « détricoter ». Si des candidats de centre gauche venaient à être élus, l’effort vers l’intégration continentale pourrait bénéficier d’un second souffle.

Photo : Marichuy/Mexico News Daily

Mexique : le 1er juillet 2018

Les élections du 1er juillet pourraient bien voir la victoire d’Andrés Manuel López Obrador connu comme AMLO (de la Coalition Juntos Haremos Historia, Ensemble nous ferons l’Histoire, centre gauche). Enfin ! diront ceux qui le soutiennent car il avait déjà postulé au poste de président en 2006 et 2012 mais avait été battu par le PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) qu’il avait accusé de fraude. AMLO dénonce une campagne vicieuse contre lui orchestrée par un Vénézuélien anti-Chavez du nom de Juan José Rendón, qui se vante d’être « un spécialiste de la guerre sale et d’avoir fait tomber de nombreux candidats » présidentiels ou députés par des méthodes qu’AMLO décrit comme celles que la droite va utiliser contre lui : des mensonges, de fausses « infos », le lier à Chavez, dire qu’il est vendu aux Russes, etc. Son principal adversaire sera un fonctionnaire peu connu qui n’a jamais participé à une élection, José Antonio Meade du PRI, le même parti que l’actuel président Enrique Peña Nieto, complètement tombé en disgrâce chez les citoyens suite à sa guerre contre les narcotrafiquants qui a provoqué des dizaines de milliers de morts. Le troisième candidat est Ricardo Anaya qui représente une coalition entre le PAN (Partido Acción Nacional, droite) et le PRD (Partido Revolución Democrática, centre). La surprise pourrait venir de María de Jesús Patricio Martínez, connue comme Marichuy, indigène Nahua qui lutte « pour la reconnaissance et la dignité des peuples indiens ». Représentante des peuples indigènes, elle est soutenue par le Congrès national indigène et le mouvement zapatiste.

Brésil : 7 et 28 octobre 2018

Le président de fait Michel Temer est au plus bas des opinions populaires (5 %) et son parti le PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien) n’apparait même plus dans les sondages. Celui que même les journaux de droite pronostiquent comme le gagnant probable des élections d’octobre avec 35 % est Lula da Silva du PT (Parti des travailleurs, gauche). Il dénonce être la cible de la nouvelle méthode dite du « Lawfare », la guerre par les lois. Il s’agit d’utiliser l’appareil judiciaire pour provoquer des condamnations sans jugement préalable des politiciens de l’opposition avec le soutien des médias proches du pouvoir. Lula a ainsi été condamné à 9 ans de prison pour un « crime » qui n’a pas encore été ni prouvé, ni jugé, encore moins condamné. Mais si la Cour de cassation confirme la sentence, Lula sera interdit de candidature, ce qui est le but de la manœuvre. Plusieurs dizaines d’intellectuels français ont signé un manifeste intitulé « Une élection sans Lula serait frauduleuse » [1]. Loin derrière Lula, l’ancien militaire Jair Bolsonaro, député du Parti social chrétien (PSC, très à droite), est crédité par tous les sondages d’environ 15 % des voix.. Lors des manœuvres de destitution de la présidente Dilma Rousseff, Bolsonaro avait lancé qu’il vénérait le colonel qui avait torturé la prisonnière Rousseff pendant la dictature brésilienne ! Viennent ensuite Marina Silva, ancienne ministre de l’Environnement de Lula, du parti REDE (Réseau de durabilité, 9 %), Geraldo Alkmin du PSDB et maire de São Paulo, allié de Michel Temer (6 à 9 %), et l’ancien gouverneur de l’État de Ceara (Nordeste) Ciro Gomes (6 %).

Venezuela : octobre 2018 ?

La date des élections n’est pas encore établie mais ce pourrait être en octobre. Le président Nicolas Maduro envisage de se représenter pour la gauche alors que la MUD (Mesa de Unidad Democrática, Table d’unité démocratique, droite) est plutôt divisée en ce moment. L’échec de la tentative de renversement du gouvernement devrait favoriser Maduro mais l’échec de ce dernier à relancer l’économie favoriserait plutôt la droite. Le boycott économique et financier mené par les États-Unis a beaucoup affecté le gouvernement et la fatigue provoquée par les difficultés économiques de la population jouent également en sa défaveur. Gouvernement et opposition ont entamé le 1er décembre des négociations en République dominicaine, sous les auspices du Mexique et du Chili, considérés favorables à l’opposition de droite, de la Bolivie, du Nicaragua, de San Vicente et des Grenadines, considérés favorables au gouvernement de Nicolas Maduro. Les négociations ont pour garants le président dominicain Danilo Medina et l’ancien chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero. Les représentants de la MUD exigent « des élections libres », ceux du gouvernement exigent « la fin de la guerre économique ». Les élections sont encore trop lointaines pour parler de candidats.

Jac FORTON

[1] Consultez la liste provisoire ICI.