Le tentaculaire roman de Rita Indiana paraît aux éd. Rue de l’Echiquier en français

Les Tentacules, dont le titre original est La mucama de Omniculé[1](La bonne d’Omniculé), est publié pour la première fois en 2015 aux éditions Editorial Periférica (Espagne). En septembre dernier, le roman de Rita Indiana Hernández, traduit par François-Michel Durazzo, fait sa sortie en France.

Photo : Rue de l’échiquier

L’auteure, dans ce roman qui mêle fiction prospective et bribes de récit historique, questionne les enjeux de la société contemporaine de manière acerbe. Cette romancière née en 1977 est également compositrice et interprète, au sein du groupe Rita Indiana y Los Misterios, elle mêle musique populaire et rythmes afro-caribéens. Se retrouvent dans son roman de nombreuses notes musicales éclectiques, qui participent à la création d’un univers queer dans lequel elle aborde des thèmes variés. Des questions telles que les inégalités sociales de la société dominicaine, la vie politique du pays, la menace d’une catastrophe climatique, les croyances et les identités sexuelles servent de toile de fond au roman et sont posées par les actions des personnages. Elle reçoit pour ce roman le Grand Prix Littéraire Région Guadeloupe.

Le roman nous fait voir plusieurs époques de la société dominicaine. Se mêlent une fiction prospective dont l’action commence en 2027, une histoire située dans un temps que l’on pourrait qualifier de plus contemporain, en 2002, et des bribes de récit historique dépeignant la colonisation et les flibustiers au XVIIe siècle. Le lecteur suit d’abord la destinée d’Alcide, la bonne d’une grande prêtresse de la Santeria, dans un Santo Domingo hypermoderne et ravagé par un tsunami. On découvre ensuite Argenis, un peintre meurtri dont la carrière va évoluer subitement avec l’aide de curieux mécènes, Girogio et Linda Menucucci. Dans un va-et-vient constant, le lecteur navigue entre les époques, aussi perdu que les personnages devant les changements brusques de contexte qu’il ne comprend pas tout à fait… jusqu’à ce que les tentacules se resserrent.

Un roman aux tons dystopiques et sombres, parfois cru, habité par une force mystérieuse de la nature, l’esprit de l’océan. Le texte réussit à intriquer des temps variés et à tenir le lecteur en haleine, le renvoyant à ses propres contradictions : quel sacrifice serait-il prêt à accomplir s’il avait entre ses mains un grand pouvoir ? 

Laure DESJUZEUR

Les Tentacules de Rita Indiana. Traduit de l’espagnol (République Dominicaine) par François-Michel Durazzo, aux éd. Rue de l’Echiquier, septembre 2020, 173 p.,17€.

[1] Omniculé, qui est aussi le nom d’un des personnages principaux, Esther Escudero, signifie « le manteau qui recouvre la mer ». Elle est une prêtresse de la Santería, religion populaire dans les Caraïbes, dans laquelle dieux d’origine africaine et saint du catholicisme ont été assimilés par syncrétisme. Cf. Notes du traducteur, p.171.