De Michelle Bachelet à Sebastián Piñera, l’alternance gauche-droite à la présidence du Chili

Sebastián Piñera, l’homme d’affaires de centre-droite, a repris la présidence du Chili dimanche 11 mars dernier. Il succède à Michelle Bachelet, à qui il avait déjà succédé en 2010. On assiste depuis 2006 à une alternance gauche-droite entre ces deux candidats, mais cette fois-ci, Sebastián Piñera représente une nouvelle coalition des trois partis sous le nom de « Chile Vamos », constituée et intégrée par son ancien parti, Rénovation Nationale (RN), le Parti Régionaliste Indépendant (PRI), Evópoli, et l’Union Démocratique Indépendante (UDI), proche de la ligne de Pinochet.

Photo : Wikimedia

Michelle Bachelet, aujourd’hui ex-présidente socialiste, a signé cinq jours avant la fin de son mandat un projet de réforme constitutionnelle qui propose une nouvelle constitution. C’était une de ses promesses de campagne. Sachant que l’actuelle constitution date de 1980 et fût imposée par le régime de Pinochet, elle pourrait être modifiée pour la deuxième fois, suite aux rectifications établies sous la gouvernance du socialiste Ricardo Lagos dans les années 2000. Ce nouveau document permet la reconnaissance des groupes indigènes Mapuche devant de la loi et se fonde sur les droits fondamentaux du peuple chilien.

Sebastián Piñera a repris la présidence en promettant de relancer la croissance économique, comme l’un des accomplissements les plus emblématiques de son premier mandat. Son nouveau programme économique promeut la libre concurrence entre les entreprises et prévoit la réduction des impôts sur celles-ci. Il promet également d’augmenter les retraites, d’assouplir les régulations dans le secteur minier, et de réduire le niveau de pauvreté. Lors de la passation de dimanche dernier, il a souligné : « Ma mission, c’est de transformer le Chili en un pays développé et sans pauvreté. »

En tant qu’homme d’affaires possédant l’une des plus grandes fortunes du pays et après une formation d’économiste, il a réussit à convaincre ses électeurs par son discours libéral. Piñera est très critique vis-à-vis du mandat de Bachelet, et l’accuse d’avoir laissé le pays paralysé avec un taux de chômage encore plus élevé (6,5 %) et des salaires abaissés. Il promet de doubler la croissance (sur ce point, ce qui ne fut pas le cas pour le gouvernement de Michele Bachelet, le Chili devrait profiter du contexte international) et de créer 600 000 emplois. En outre, d’aucuns craignent une remise en cause des réformes sociétales du gouvernement sortant en matière de dépénalisation de l’avortement et du mariage homosexuel. Mais, d’après les spécialistes, cette crainte serait infondée puisque la majorité de la population a déjà approuvé ces réformes.

L’héritage de Michelle Bachelet

Le gouvernement de Bachelet a instauré une série de réformes avec succès (certaines d’entre elles sont encore inachevées, d’autres sur le point d’être approuvées), afin de modifier les réformes imposées par la dictature de Pinochet et de doter le Chili d’une meilleure protection sociale et d’un système universitaire accessible à tous. Le candidat Piñera a accepté de conserver la « gratuité » des universités. Les réformes sous Bachelet constituent des avancées en matière d’éducation supérieure et publique, de politique fiscale, mais aussi dans le monde du travail. Elle a aussi soutenu des réformes sociétales telles que le droit à l’avortement dans certains cas, ainsi que la loi sur l’identité de genre et l’union civique entre personnes du même sexe (Pacs).

Le premier mandat de Bachelet, débuté en 2006 et achevé en 2010, atteint un taux de popularité de 89 %. Aujourd’hui, elle quitte son poste avec 39 % d’approbation, selon les études du centre d’investigation Cadem. On assiste aujourd’hui à une autre victoire significative qui illustre un virage à droite dans d’autres pays de la région, comme c’est le cas en Argentine avec Mauricio Macri et au Brésil avec Michel Temer. Il nous faudra attendre la totalité des résultats des élections à venir pour mieux visualiser le nouveau paysage politique d’Amérique latine.

Karla RODRIGUEZ