Après les élections de 2014 et 2015, vers des bouleversements géopolitiques en Amérique latine ?

Après la victoire de Jimmy Morales au Guatemala et de Mauricio Macri en Argentine, le lancement d’une procédure de destitution contre la présidente Rousseff au Brésil et une défaite du président Maduro au Venezuela, c’est une offensive sans précédent de la droite qui se profile en Amérique latine.

Guatemala : un comédien contre les politiciens corrompus

Dans un climat de ras-le-bol envers la corruption de la classe politique, le comédien Jimmy Morales obtient 67,44 % des voix. Sous la pression de dizaines de milliers de citoyens, le président Otto Pérez Molina et sa vice-présidente Roxana Baldetti avaient été mis en examen et obligés de démissionner juste avant les élections, une révolution du rapport des citoyens avec leur classe politique.

Morales, sans expérience politique ni de vrai parti devra s’allier avec d’autres partis et son choix sera un signe de son orientation politique. Son côté sombre est que son petit parti est soutenu par l’Association des vétérans et militaires du Guatemala, un groupe d’extrême droite, et qu’il est un conservateur proche des évangéliques.

Argentine : retour du néolibéralisme

Mauricio Macri, de la coalition Cambiemos (Changeons), a remporté le second tour de justesse (51,4 %). Le cabinet du nouveau président ne laisse aucun doute : après 12 ans de « développement avec inclusion sociale » des époux Kirchner, le néolibéralisme orthodoxe est de retour. Les principaux ministres de Macri sont tous issus des banques ou des directoires de grandes entreprises (General Motors, IBM, Shell, Deutsche Bank…). Par contre, l’ancien employé de la banque Morgan et nouveau ministre du Budget et des Finances, Alfonso Prat-Gay, a déjà communiqué au ministre états-unien du Trésor, les grandes lignes des réformes économiques à venir !

En politique étrangère, Macri demandera l’expulsion du Venezuela du Mercosur. L’Argentine pourrait même rejoindre l’Alliance pour le Pacifique promue par les États-Unis (1). L’orientation résolument néolibérale du nouveau président permettrait une remise à jour de l’ALCA (Alliance pour le libre commerce des Amériques) créée par les présidents Clinton et Bush, qui devait rassembler tous les pays des Amériques sauf Cuba. Elle avait été rejetée par plusieurs pays, dont l’Argentine, le Venezuela et le Brésil, qui avaient ensuite formé l’ALBA (Alternative bolivarienne pour les peuples de notre Amérique).

Brésil : une présidente sur la corde raide

La victoire de la présidente Dilma Rousseff en octobre 2014 avait marqué la quatrième défaite consécutive de la droite brésilienne. Désespérée, celle-ci cherche par tous les moyens à reprendre le contrôle du pays. Les erreurs du gouvernement Rousseff l’ont aidée : voulant se distancier de son mentor Luiz Inacio Lula et du PT (Part des Travailleurs), la présidente nomme au poste de ministre du Budget Joaquim Levy, un néolibéral pur et dur qui annonce immédiatement des coupes drastiques des programmes sociaux qui avaient pourtant sorti de la misère plus de 50 millions de Brésiliens sous Lula.

Ensuite, le parti PMDB (Parti Mouvement Démocratique brésilien) se joint au PSDB (Parti de la Social-démocratie brésilienne) pour faire tomber la présidente par le biais d’une procédure de destitution. Plusieurs dirigeants du PT étant accusés de corruption, la grande presse, aux mains de la droite, lance de virulentes campagnes contre la présidente.

Le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, évangéliste, propriétaire de radios religieuses, en est le fer de lance. Or, Cunha, lui-même traduit en justice pour comptes illégaux en Suisse, blanchiment d’argent, évasion fiscale et corruption, vient de lancer la procédure de destitution contre la présidente. Le projet de la droite : faire tomber Dilma Rousseff pour gagner des élections alors inévitables. La présidente, Lula et le PT rejettent cette « tentative de coup d’Etat ».

Venezuela : l’opposition prend le contrôle de l’Assemblée nationale

Le 6 décembre dernier, les Vénézuéliens renouvelaient les 167 parlementaires de leur Assemblée nationale. Les divers partis de droite regroupés dans la Table d’Unité démocratique (MUD) ont remporté plus des 101 sièges nécessaires pour totalement contrôler l’Assemblée nationale. Le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) du président Nicolas Maduro n’a obtenu qu’une cinquantaine de sièges.

Les événements en cours dans ces trois géants économiques annoncent clairement des bouleversements géopolitiques en Amérique latine.

Jac FORTON

(1) Les membres du Mercosur sont le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, le Venezuela, l’Uruguay et le Paraguay. Les membres de l’Alliance pour le Pacifique sont le Mexique, la Colombie, le Pérou et le Chili.
 Photo : Evaristo / SA