Ce mercredi 29 avril 2015, le septième art accueille en salle le nouvel opus de Carmen Castillo. Avec On est vivants la réalisatrice voyage dans l’espace et dans le temps, à la rencontre de ces inconnus indispensables qui font la grandeur de la politique.
De quoi est fait l’engagement politique aujourd’hui ? Est-il encore possible d’infléchir le cours fatal du monde ? C’est avec ces questions, dans un dialogue à la fois intime et politique avec son ami Daniel Bensaïd, philosophe et militant d’extrême gauche qui a été de tous les combats en France et en Espagne, mais aussi au Chili, en Argentine et au Brésil, depuis les années 60 jusqu’à sa mort en 2010, que Carmen Castillo entreprend un voyage qui la mène vers ceux qui ont décidé de ne plus accepter le monde qu’on leur propose. Des sans domicile de Paris aux sans-terre brésiliens, des Zapatistes mexicains aux quartiers nord de Marseille, des guerriers de l’eau boliviens aux syndicalistes de Saint-Nazaire, les visages rencontrés dans ce chemin dessinent ensemble un portrait de l’engagement aujourd’hui, fait d’espoirs partagés, de rêves intimes, mais aussi de découragements et de défaites. Comme Daniel, ils disent : “L’histoire n’est pas écrite d’avance, c’est nous qui la faisons.”
Carmen Castillo, née à Santiago du Chili, est une cinéaste engagée. Elle a réalisé une vingtaine de documentaires dont les plus connus sont La flaca Alejandra (1993), Rue Santa Fe (2007) sur son engagement au Chili et sur l’assassinat de son compagnon, et Pour tout l’or des Andes (2009). Elle s’explique sur les intentions de son film :
“La lutte, fût-elle armée, contre une dictature brutale était une évidence. Les évidences sont depuis longtemps finies. Il n’y a plus d’avenir radieux, d’alternative claire, de chemin tracé, de cités parfaites avec appartements clés en mains. Avec la fin de notre religion de l’Histoire, d’une révolution inéluctable, beaucoup d’entre nous ont tourné la page et pris d’autres chemins, parfois celui de l’acceptation ou du renoncement. Daniel m’avait accueillie en France en 1975. Sans lui et d’autres amis, je n’aurais pas pu passer de la survie à l’existence. Comme si de rien n’était, au détour d’une conversation, il m’apprenait à faire de la mémoire des vaincus une énergie du présent. Pas de nostalgie ni de culte du sacrifice, on n’en n’a pas besoin. Plus tard, sans céder ni à la fatigue ni aux obstacles, par ses actes et ses écrits, à contre courant de l’air du temps, il a su “tenir vivante la longue durée des révoltes et des indignations, des principes et des exigences – en un mot de l’espérance”. Il aimait citer cette phrase : “Résister, c’est résister à l’irrésistible”. Et si c’était cela l’engagement aujourd’hui ? À sa mort, comme habitée par la musique de sa voix, je me suis mise en mouvement. Je voulais trouver, ici et ailleurs, la beauté de ces “inconnus indispensables” dont il parlait, ceux qui continuent à lutter sans certitude de gagner, dans l’obscurité souvent et la lumière parfois, car ce sont eux qui font la grandeur de la politique.”
Que reste-t-il de nos idéaux ? Faut-il rentrer dans le rang ou continuer à combattre l’injustice, la confiscation des terres et des biens publics, le déni des libertés ? Pour Carmen Castillo et ses interlocuteurs dans le film, la réponse est qu’il faut continuer à se mobiliser et à résister !
Alain LIATARD