Le phénomène « Le cercle des neiges » nommé aux prochains Oscars dans quatre catégories

Voilà un film qui a fait couler beaucoup d’encre. Réalisé et co-écrit par Juan Antonio Bayona et sorti en 2023, Le cercle des neiges (La sociedad de la nieve en espagnol) est un film hispano-américain qui a le mérite de s’attaquer à l’un des plus grands tabous de notre société : le cannibalisme. Il relate la catastrophe survenue en 1972 lors du vol Fuerza Aérea Uruguaya 571 en se basant sur le livre de Pablo Vierci, La sociedad de la nieve, paru en 2009. Il s’agit de la cinquième adaptation cinématographique de ce drame. Après avoir fait sensation sur la plateforme de streaming Netflix, il est désormais en lice pour la 96e cérémonie des Oscars avec quatre nominations.

Photo : DR

Le 13 octobre 1972, le vol Fuerza Aérea Uruguaya 571 s’est écrasé dans la cordillère des Andes alors qu’il reliait Montevideo (Uruguay) à Santiago (Chili). À bord se trouvaient 45 passagers dont une équipe de rugby uruguayenne. L’avion s’est écrasé sur un glacier, à une altitude de 3 600 mètres, dans une région reculée des Andes. Pendant 72 jours, les survivants du crash ont enduré un froid extrême, avec des températures atteignant -30 degrés, une avalanche et surtout, la faim. Seize personnes ont survécu sur les 45 initialement présentes à bord. Bien que les secours aient lancé des recherches immédiatement après le crash, ils n’ont retrouvé aucune trace de la carcasse et ont abandonné les recherches au bout de huit jours. Néanmoins, les survivants n’ont pas perdu espoir, soutenus par leur foi. Pour survivre, ils ont été contraints de faire un choix impensable et de franchir le tabou ultime : se nourrir des corps de leurs camarades. C’est de cet épisode traumatique que Juan Antonio Bayona s’inspire pour le scénario du Cercle des neiges. Son film, aux allures de documentaire, aborde les faits avec réalisme et beaucoup d’authenticité. 

Depuis les travaux de Lévi-Strauss et Freud, nous savons bien que le cannibalisme demeure l’un des tabous les plus profonds de l’humanité. C’est probablement cette fascination pour l’interdit et la rareté de ce genre de narration qui explique l’engouement suscité par Le Cercle des neiges. Le film a déclenché une avalanche d’articles qui s’attèlent à rapporter les faits qu’il explore. Démêler le vrai du faux, étoffer les informations, contextualiser les événements : tel est l’objectif vers lequel convergent de nombreuses chroniques ces dernières semaines. Ce qui a longtemps été un événement passé sous silence est désormais percé à jour. L’œuvre de Juan Antonio Bayona a ouvert la voie à un déferlement de témoignages et à une actualisation de la mémoire autour de cet évènement traumatisant. 

Le film jubile en jouant habilement sur des contrastes saisissants, ajoutant une intensité captivante à l’ensemble. Il jongle entre la lutte pour la vie, cette humanité exacerbée et la cruauté de la mort qui est omniprésente. Sur le plan esthétique, la nature se veut tantôt majestueuse, tantôt impitoyable. Le paysage des Andes, véritable protagoniste du film, demeure époustouflant. Le manteau de neige se met au service de la scénographie et le décor se pare de toute l’hostilité et de la solennité possible pour faire écho au scénario. Un pari artistique qui intensifie tout le tragique de l’intrigue. Le film nous plonge dans une atmosphère psychologique bouleversante et nous invite à nous questionner sur nos propres comportements, notre potentielle réaction à tous. À ce titre, le film est d’une puissante intensité. Par ailleurs, la musique qui prend le pas de manière régulière sur la trame accentue considérablement le sentiment d’immersion. L’hostilité se confond entre le paysage reculé et les discours pragmatiques se résolvant à consommer de la chair humaine pour survivre. 

Le cercle des neiges s’aventure sur un chemin psychologique sinueux, qui n’a pas encore été rabattu mais qui, bien au contraire, est encore relativement peu documenté. Il délivre un message d’espoir, de courage et de résilience de l’homme face à la cruauté de la nature et de la vie. Une histoire de survie qui se veut absolument poignante. Le film n’a pas été récompensé aux Golden Globes mais il continue de faire parler de lui puisqu’il a été présélectionné dans quatre catégories différentes aux Oscars 2024, celle du Meilleur Film International, du Meilleur Maquillage et Coiffure, de la Meilleure Bande Sonore et celle des Meilleurs Effets Spéciaux. Il reste donc à savoir s’il se verra distingué d’un Oscar le 10 mars prochain.