Entretien à Lyon avec Ramón Jauregui, président de la fondation Euroamerica

À la veille de la rencontre à Bruxelles des chefs d’État de l’ensemble des pays d’Amérique latine et de la Commission européenne les 17 et 18 juillet prochains, nous transcrivons ici un entretien avec Ramón Jáuregui qui était notre invité à Lyon  pour une conférence sur « l’État des relations entre l’Europe et l’Amérique latine », que notre publication a organisée dans le cadre du  festival Primavera Latina. Il était accompagné de Jean-Jacques Kourliandsky de la fondation Jean-Jaurès et du journaliste italien Federico Nastasi.

Photo : Mauricio Espinosa

Pour commencer, pourriez-vous vous présenter, en détaillant votre parcours et ce qui vous a amené à devenir président de la Fondation Euroamerica ?

J’ai une longue carrière dans la politique espagnole (en tant que vice-président du gouvernement basque, député au Congrès et ministre de la présidence) et européenne en tant que membre du Parlement européen (2009-2019).À la fin de mon mandat législatif au Parlement européen, j’ai été élu président de la Fondation Euroamerica.

Quand la fondation a-t-elle été créée ? Avec quels objectifs ?

La Fondation a été créée en 1999 dans le contexte de l’importance croissante de l’Amérique latine et les Caraïbes en Europe et des investissements importants que l’Europe, et en particulier l’Espagne, réalisait dans ces régions. Il s’agit d’une organisation européenne de la société civile qui regroupe les intérêts économiques et politiques en Amérique latine. L’organisation collabore avec le gouvernement espagnol et les institutions européennes pour renforcer l’alliance stratégique entre l’UE et la région.

Comment a-t-elle évolué ? Comment fonctionne-t-elle aujourd’hui ?

La Fondation a acquis une plus grande notoriété dans le cadre de ces relations, car elle est devenue créatrice d’espaces de dialogue et de discussion dans différents formats, réunissant des institutions, des entreprises, des groupes de réflexion, des universités, etc., tant en Amérique latine et les Caraïbes qu’en Europe. Aujourd’hui, notre rôle est devenu plus remarquable en raison de notre collaboration avec la Commission européenne dans l’organisation d’événements et de réunions politiques et économiques qui répondent aux initiatives et aux politiques proposées par l’UE dans le cadre d’un nouvel élan de cette Alliance.

La Fondation organise des conférences et colloques, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces activités ?

La Fondation organise des rencontres, tant en Amérique latine qu’en Europe, entre les secteurs économiques et politiques des deux régions afin de faciliter et de renforcer les relations dans ces domaines. Par exemple, nous organisons chaque année un grand forum dans un pays d’Amérique latine (nous avons déjà organisé 24 forums en Argentine, au Brésil, au Chili, en Colombie, au Mexique, au Panamá et au Pérou) et en Europe (Bruxelles, Francfort, Lisbonne et Madrid) avec les secteurs des affaires, de la diplomatie et de la culture, en profitant de la présence respective des protagonistes et de l’intérêt pour chacun d’entre eux.

Les questions économiques et de durabilité paraissent très importantes pour la Fondation : pourquoi ?

La question économique est à l’origine de la Fondation. Nous sommes extrêmement intéressés par la facilitation et le soutien des relations commerciales entre les deux régions (accords commerciaux et d’investissement), par la mise en contact des autorités politiques avec le monde économique pour faciliter les partenariats public-privé et, bien sûr, par l’intérêt du monde économique européen pour l’énorme potentiel de l’Amérique latine et des Caraïbes, ainsi que par le fait d’être une porte d’entrée pour les entreprises multi-latines en Europe. La durabilité est un facteur essentiel du monde économique d’aujourd’hui, surtout lorsqu’on prend en considération l’extraordinaire potentiel de l’Amérique latine et des Caraïbes dans la transition écologique. En effet, l’Europe doit devenir le principal partenaire de nombreux pays d’Amérique latine et des Caraïbes dans l’importation de matières premières essentielles dans ce domaine (lithium, cobalt, hydrogène et énergie verte en général) et doit être le principal investisseur dans la transition énergétique de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Quels sont les autres sujets importants sur lesquels la fondation travaille ?

Nous collaborons actuellement avec la Commission européenne, le Service européen pour l’Action Extérieure et le Parlement européen dans les deux domaines décrits ci-dessus. Nous travaillons également avec d’autres gouvernements européens (Espagne, Portugal ou Allemagne) et entretenons un cadre de relations avec des Chambres de commerce, des ambassades, des universités et des groupes de réflexion avec lesquels nous organisons des événements liés à tout ce que les deux régions ont en commun. Nous travaillons également avec des institutions multilatérales actives dans la région, telles que le Secrétariat général ibéro-américain, l’Organisation des États ibéro-américains, la Banque Interaméricaine de Développement, l’OISS (Organisation interaméricaine de Sécurité sociale), l’IICA (Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture) ou la CAF  (banques de développement en Amérique latine), entre autres.

La fondation organise des évènements tels que «Colombie-UE» ou «Pérou-UE». Y a-t-il plus d’avantages à travailler avec des pays en particulier qu’avec une organisation de pays, compte tenu de l’état de l’intégration régionale en Amérique latine ?

Chaque année, nous choisissons un pays d’Amérique latine qui, en raison de sa situation politique ou économique, présente un intérêt. Un changement de gouvernement ou un accord commercial avec l’UE peuvent motiver le choix d’un pays intéressant chaque année. Nous avons été quatre fois au Mexique, au Pérou et en Colombie, trois fois au Brésil et au Chili, et deux fois en Argentine. Dans tous ces pays, nous étions les premiers témoins de l’évolution économique, politique et sociale. Nous avons également organisé deux conférences aux États-Unis (à New York et à Miami), très axées sur le monde hispanique dans ce pays et ses relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes.

Concernant le sommet UE-CELAC qui se tiendra en juillet prochain à Bruxelles, la Fondation a-t-elle joué un rôle ou va-t-elle jouer un rôle ?

La Commission européenne nous a confié plusieurs missions à cet égard : la tenue d’un Forum au Pérou (Lima, octobre 2022), avec le gouvernement du Président Pedro Castillo de l’époque pour connaître les lignes de ce gouvernement, la tenue d’un Forum en Colombie (Bogota, mars 2023) dans le cadre de la présentation de l’Alliance numérique UE-Amérique latine, pour laquelle la vice-présidence de la Commission européenne, M. Vestager, s’est déplacée. Le président Gustavo Petro et plusieurs membres de son gouvernement étaient également présents. On nous a confié également la préparation d’un plan d’investissement dans les infrastructures physiques et technologiques, qui servira de document pour la préparation du Sommet, l’organisation d’un séminaire à Madrid pour présenter les conclusions du Sommet UE-CELAC et d’autres activités similaires (séminaire à Francfort sur les investissements allemands en Amérique latine et Caraïbes, colloque à Madrid sur les investissements espagnols en Amérique latine et Caraïbes, séminaire sur la numérisation, etc.).

Que pensez-vous que nous puissions attendre de ce Sommet ?

Le Sommet est déjà un succès puisqu’il n’a pas eu lieu depuis 2015. Le Sommet sera accompagné d’une réunion de la société civile entre l’Europe et l’Amérique latine (les 14 et 15 juillet), d’une table ronde des entreprises le 17 juillet au matin et d’un Sommet des ministres de l’économie entre l’UE et la CELAC à Saint-Jacques-de-Compostelle le 15 septembre. Moi, j’espère que le Sommet approuvera de la création d’une table ronde permanente de dialogue entre les deux régions afin de trouver des accords qui nous permettront d’être unis face aux grands événements internationaux et aux institutions de la gouvernance mondiale. Enfin, j’espère que lors de ce Sommet, l’UE-Mercosur pourra progresser définitivement dans la résolution de son accord, qui constitue l’une des lacunes les plus importantes de notre alliance avec l’Amérique latine et les Caraïbes.

Ramón JÁUREGUI
Propos recueillis par
Marie Bessenay

Photo : A la Mairie Lyon 3 – 9e Festival Primavera Latina, le mercredi 24mai dernier dans le cadre de la Semaine de l’Amérique latine en France : De gauche à droite : Claire Durieux, Ramón Jáuregui, Jean-Jacques Kourliandsky, Federico Nastasi, Maurice Nahory et début Januario Espinosa.