Gouverner c’est faire croire, mais plus personne ne croit en Pedro Castillo, dont l’incompétence pousse le Pérou au bord de la crise politique

Dans cet entretien, Ricardo Burga, qui fut membre du Congrès péruvien pour le parti « Acción Popular » entre 2020 et 2021, nous présente un panorama politique national très perturbé par la présence de Pedro Castillo. Burga nous décrit la présidence de Castillo comme une suite sans interruption d’erreurs, une des plus grandes étant qu’il a constitué un gouvernement avec des personnes soupçonnées d’avoir enfreint la loi (plusieurs ont dû comparaître devant le Congrès et d’autres ont subi des motions de censure). On attend avec impatience qu’il démissionne ou qu’il soit destitué.

Photo : Diario Criterio

En raison de la crise au Pérou, on a d’abord parlé de la destitution, ensuite d’une démission probable de Pedro Castillo, et maintenant on contemple la possibilité de faire les élections plus tôt. Que pensez-vous à ce sujet ? La situation dans laquelle nous met Pedro Castillo est angoissante. Il va d’erreur en erreur. Apparemment, la thèse qu’il a présenté pour son diplôme de magistère présente des irrégularités. Celle de sa femme aussi. L’université César Vallejo (UCV), dont le président est César Acuña (chef, également, du parti « Alianza para el Progreso »), a réussi à sauver Castillo en disant que sa thèse rempli bien les conditions de validation. Pour le moment, la Surintendance Nationale d’Éducation Supérieure Universitaire (SUNEDU) n’a mené aucune action contre Castillo et n’a même pas essayé de demander plus d’informations afin de faire réviser la régularité de la thèse. La propre femme de Castillo n’a rien dit sur le sujet lors de sa dernière comparution devant le Procureur Général de la Nation. La situation de Castillo se complique de plus en plus tous les jours. Je ne crois pas qu’il va démissionner, car il sait très bien qu’il finirait en prison s’il le faisait. Le cercle proche de Castillo a apparemment profité de plusieurs appels d’offres. Il y a des personnes qui se portent volontaires pour collaborer efficacement dans l’affaire, et sont prêtes à fournir des documents et des vidéos des réunions que ce cercle a tenu.

La procédure constitutionnelle qui ferait avancer la date des élections prendrait plus d’un an. Si Castillo démissionne ou s’il est destitué, Dina Boluarte assumerait ses fonctions et il faudrait attendre qu’elle démissionne aussi. Même après cela, ce serait au tour du président du Congrès d’assumer la présidence du pays, et il lui faudrait convoquer des élections dans les six prochains mois. Cette convocation serait pour les élections présidentielles et non législatives. Toutefois, la campagne que « Perú Libre » et Castillo lui-même sont en train de mener, est favorable à ce que tout le monde parte. Certains membres du congrès tels que la présidente même du Parlement María del Carmen Alva ont déjà déclaré que, si telle était la décision, ils ne voient aucun problème à démissionner et faire avancer les élections pour le bien du pays. Nous nous trouvons dans une situation très complexe et délicate.

La Constitution ne prévoit pas que, si l’on décidait de faire les élections présidentielles plus tôt, il faudrait aussi avancer les élections législatives. Ce qui n’est pas le cas en Équateur, par exemple…

En effet. Ce qu’ils veulent faire est semblable au cas de Valentín Paniagua lorsque Alberto Fujimori a démissionné de la présidence par fax. À ce moment-là, on a fait démissionner le président du Congrès et on a élu un nouveau afin d’avancer les élections. Mais il y a eu un an de transition, chose dont le pays a besoin pour récupérer les institutions que la gauche détient. Il faut récupérer le Jury National des Élections (JNE), l’Office National des Processus Électoraux (ONPE), le Ministère Public, le pouvoir judiciaire en général. Mais ils ne sont pas prêts à le faire, car ils critiquaient Manuel Merino (ancien président du Congrès en 2020) en raison de son manque de professionnalisme. Or des années lumières séparent Merino de Castillo. Merino est une personne avec de l’expérience dans la politique, il a très bien géré le Congrès et tous les membres le soutenaient. Aujourd’hui, il affronte une persécution politique. Les « cojudignos », surnom que reçoivent ceux qui ont manifesté contre Merino, le regrettent maintenant. Si Merino était resté président de la République, les résultats seraient différents. Un de ces volontaires a collaboré pour dénoncer les crimes du cercle proche de Castillo, a même affirmé que les élections avaient été détournées.

Juan CASTIÑERAS, journal Expresso du Pérou

Traduction de Tomás Torres