Patricio Guzmán : « le Chili est paralysé par le néolibéralisme »

Patricio Guzmán a abandonné son pays à cause du coup d’État militaire et réside depuis lors en France. La Cordillère des songes, qui est sorti en mai dernier au Festival de Cannes, clôt une trilogie qui inclut aussi Nostalgie de la lumière (2010) et Le bouton de nacre (2015), le premier situé dans le désert d’Atacama au Nord et le second dans l’océan et la nature du Sud du Chili.

Photo : Culto La Tercera

Dans le documentaire La Cordillère des songes, le réalisateur chilien Patricio Guzmán réfléchit autour des blessures ouvertes dans son pays à la suite du coup d’État du général Augusto Pinochet en 1973 et sur ses conséquences : le néolibéralisme qui « paralyse » le pays et la Constitution de 1980. Le film a inauguré la section Horizons Latinos du festival de Cinéma de San Sebastián (au Nord de l’Espagne). À partir d’un regard poétique sur le paysage national, Guzmán évoque la « continuité » qui a maintenu jusqu’à aujourd’hui l’ordre imposé par les putschistes, car le néolibéralisme et la Constitution de 1980 « sont encore là », selon la presse.

« Le néolibéralisme est un système de domination qui provoque la paralysie, le Chili est paralysé, il n’y a pas de mouvements forts contre lui », a déclaré le réalisateur en rappelant que le Chili a été le premier champ d’expérimentation des économistes de l’école de Chicago, menée par Milton Friedman.

Dans le documentaire, c’est encore plus catégorique : « le triomphe de la dictature, c’est qu’ils ont vendu le pays », souligne la voix off du récit, qui alterne entre témoignages de plusieurs artistes chiliens, comme le sculpteur Vicente Garrido ou le réalisateur Pablo Salas, qui fournit une bonne partie des images d’archive de cette époque.

Le producteur voit cette immense chaîne montagneuse, qui occupe 80% du territoire chilien, comme symbole de « l’abandon de soi » d’un pays, puisqu’il s’agit d’un terrain presque inexploré et que les chiliens visitent à peine.

Le vulcanologue Álvaro Amigo, la chanteuse Javiera Parra ou l’écrivain Javier Baradit apportent d’autres témoignages inclus dans le documentaire et qui mettent l’accent surcette idée des Andes comme barrière qui protège et qui isole en même temps.

« Le Chili est le pays de l’isolement », dit Guzmán, qui jusqu’à il y a peu de temps n’avait jamais pénétré les Andes. « C’est une crête hostile, elle fait peur, et c’est la peur d’un pays qui vit effrayé, une peur qui se maintient aujourd’hui et où il y a eu une série de gouvernements qui n’ont pas résolu le problème de la mémoire ».

Lou BOUHAMIDI
D’après EFE

Traduction d’un article d’EFE publié dans El Mostrador le 21 septembre 2019.