L’Urgence d’Agir, un documentaire de David Mambouch consacré à l’œuvre de Maguy Marin

Elle est de ces artistes qui creusent des sillons durables et profonds, qui bouleversent les existences. Depuis plus de trente-cinq ans, Maguy Marin s’est imposée comme une chorégraphe majeure et incontournable de la scène mondiale. Fille d’immigrés espagnols, son œuvre est un coup de poing joyeux et rageur dans le visage de la barbarie. Son parcours et ses prises de positions politiques engagent à l’audace, au courage, au combat. En 1981, son spectacle phare, May B, bouleverse tout ce qu’on croyait de la danse. Une déflagration dont l’écho n’a pas fini de résonner. Le parcours de la chorégraphe Maguy Marin, un vaste mouvement des corps et des cœurs, une aventure de notre époque, immortalisée et transmise à son tour par l’image de cinéma.

Photo : Maguy Marin, l’Urgence d’Agir

Maguy Marin, l’Urgence d’Agir est le premier film de cinéma consacré au parcours de l’une des plus grandes chorégraphes de notre temps, Maguy Marin. À travers May B, le spectacle qui révéla la compagnie il y a trente-sept ans, c’est la question ultime de ce que nous transmettons à nos enfants que pose le film. Transmission d’une pensée, d’une façon de danser, de se mouvoir dans le monde et dans la cité. Histoire des politiques culturelles, histoire d’un pays, intimité et universalité : c’est tout cela Maguy Marin, L’Urgence d’Agir de David Mambouch. Un objet cinématographique mêlant grâce et colère, art et politique, le tout avec comme fil rouge la transmission de la pièce emblématique May B.

L’histoire 

Maguy Marin occupe depuis le début des années 1980 une place à part dans le paysage de la danse contemporaine. Depuis ses premiers pas de danse au Conservatoire de Toulouse dans les années 1960, en passant par l’école de Maurice Béjart puis dans son ballet ; depuis la création de la compagnie Maguy Marin dans la précarité et l’urgence, jusqu’à celle du Centre chorégraphique national de Rillieux-La-Pape, dans le quartier de La Velette ; puis du choix fondateur d’un retour à l’indépendance de sa compagnie en 2012, et la création du lieu Randam, un centre d’art ; son parcours et celui de sa compagnie formulent des réponses exemplaires à des interrogations universelles et plus que jamais actuelles.

C’est quoi May B

Se jouant de tous les codes en vigueur, May B marque l’histoire des arts vivants par la grâce d’un spectacle atemporel, aujourd’hui devenu mythique. Inspirée de l’œuvre de Samuel Beckett, avec ses dix interprètes enduits d’argile, May B saisit une humanité de pauvres, de vieillards, d’exilés, dont les corps difformes se situent aux antipodes de toutes les représentations classiques et idéalisées du corps dansant. L’humanité dans ce qu’elle a de plus fragile et de plus émouvant, poursuivant vaille que vaille son interminable voyage, persistant envers et contre tout dans le sein même d’une fin du monde imminente. Traversant les mémoires et le temps, elle nous rappelle notre propre disparition, nos propres disparus, nos épreuves et notre capacité à résister.

Cette pièce demeure à ce jour pour Maguy Marin et sa compagnie le lieu d’une mise en circulation des expériences et des savoirs entre les générations d’artistes qui se sont succédés dans les rôles, au fil des reprises de la pièce. Mais ce qui se transmet ici va bien au-delà de la seule partition chorégraphique : se mettre au travail et pratiquer ensemble entraîne un échange dynamique où le partage, la rigueur, l’exigence, la patience, l’attention, mais aussi l’humilité, la dignité et l’intégrité, sont autant de valeurs sensiblement traversées. 

Qui est David Mambouch ? 

David Mambouch, réalisateur du documentaire, est le fils de Maguy Marin. Il est littéralement né dans le monde du spectacle, puisque sa mère a créé sa pièce phare, May B, alors qu’il était dans son ventre. «J’ai passé mon enfance sur des planchers de danse et dans les coulisses des théâtres. J’assistais aux échauffements matinaux, aux répétitions, aux représentations. Je suivais la compagnie en tournée, dans les trains, les avions, les hôtels et les restaurants où toute la troupe mangeait en sortant de scène, et où souvent je m’endormais sur les genoux de l’un ou de l’autre, environné de chaleur et de rires, heureux de sentir que la vie continuait sans moi.

Devenu adulte, j’ai suivi une formation d’acteur à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre, puis intégré la troupe permanente du Théâtre national populaire où je devais rester durant six ans. Par ailleurs, passionné par le cinéma depuis mon plus jeune âge, j’ai suivi des formations à l’écriture de scénario, écrit et réalisé une douzaine de courts et moyens métrages, clips, essais divers. Ma mère et moi nous proposions souvent de travailler ensemble. J’ai finalement rejoint sa compagnie en 2013 à l’occasion d’une reprise de May B, pour remplacer un danseur qui s’était blessé.»

D’après David Mambouch