Naturalisé français en 1977 et fondateur du théâtre de la Colline à Paris entre 1987 et 1996, Jorge Lavelli, metteur en scène franco-argentin disparu le 9 octobre 2023, a mené une riche carrière emplie de collaborations et de spectacles multiples, en France et à l’étranger.
Photo : Agences
Triste nouvelle : Jorge Lavelli est mort le 9 octobre dernier. Né le 11 novembre 1932 à Buenos Aires au sein d’une famille d’origine italienne et d’humble extraction, Jorge Lavelli met en scène au fil de sa carrière non seulement des pièces de théâtre (une centaine) dont Polyeucte de Corneille en 1987 et des œuvres de Gombrowicz, Valle-Inclán, Copi, Arrabal, Panizza, Noren, Berkoff, Tabori, mais aussi des opéras (une cinquantaine) comme Idoménée de Mozart en 1975 et d’autres de Beethoven, Verdi, Puccini, Haendel, Rameau, Gounod et Wagner ; il est d’ailleurs souvent invité par le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence où sont donnés La Traviata en 1977, Les Noces de Figaro en 1979 ou La Flûte enchantée en 1989 dont il est bien évidemment le metteur en scène.
La journaliste Fabienne Pascaud[1] rappelle qu’il collabore avec des compagnies dans sa ville natale avant de débarquer en 1960 à Paris comme boursier du fonds national des arts d’Argentine. Il y sera l’élève des metteurs-en-scène et comédiens français Charles Dullin et Jacques Lecoq, fera la rencontre de Jean Vilar et manifestera un goût prononcé pour les liens entre musique et théâtre : c’est pourquoi au festival d’Avignon en 1969 il crée ce que Pascaud appelle « une première forme de ‘théâtre musical’ » en mettant en scène la pièce Orden de Pierre Bourgeade et Girolamo Arrigo. Son activité l’amènera à travailler dans des espaces prestigieux comme la Comédie-Française et l’Opéra Garnier tout en poursuivant sa collaboration avec le festival d’Avignon.
Il obtient des récompenses dès 1963 en remportant le concours des jeunes compagnies pour Le Mariage du dramaturge polonais Witold Gombrowicz et reçoit également en 1988 le Molière 1989 du meilleur auteur ainsi que, toujours en 1988, le Prix de la meilleure création d’une pièce française, décerné par le Syndicat de la Critique. S’il est très actif en France, il travaille également avec de nombreuses structures à l’étranger et dans le cadre de festivals de par le monde (opéra de Palerme et Biennale de Venise, Theater der Stadt Bonn et festival de Munich, grand théâtre de Genève, El grec de Barcelone, festivals de Jérusalem et de Caracas, entre autres).
Fondateur du théâtre de la Colline à Paris qu’il dirige entre 1987 et 1996, il collabore avec d’autres artistes pour le cinéma : ainsi, il écrit avec le romancier mexicain Carlos Fuentes le scénario de Verdi, tout comme il traduit et adapte des œuvres telles Seis personajes en busca de autor de Luigi Pirandello[2]. Dans la série « Grands entretiens » du site de l’INA, Lavelli explique que, pour lui, « la mise en scène est une forme d’écriture, une forme de littérature même si elle est vouée à la mort »[3]. Ce qui est certain, c’est que l’important travail théâtral et opératique accompli par Lavelli ne mourra pas et restera dans les mémoires comme une contribution fondamentale dès les années 1960 au dynamisme de ces deux arts.
Benoît SANTINI
[2][2] Consulter : « Jorge Lavelli metteur en scène », site du théâtre national de la Colline.
[3] Consulter : « Grands entretiens / Mémoire du théâtre / Jorge Lavelli », site de l’INA, Jorge Lavelli | Grands Entretiens Patrimoniaux – Ina.fr