Remaniement ministériel en Argentine : Sergio Massa nommé « super-ministre » de l’Économie

En Argentine, le président a annoncé ce jeudi 28 juillet au soir un vaste remaniement ministériel : Sergio Massa, jusqu’ici président de la Chambre des députés et chef d’un courant péroniste centriste, est nommé ministre de l’Économie avec pouvoirs étendus. Objectif : tenter de freiner la dégradation de la situation économique.

Photo : El Desconcierto

Alors que l’inflation annuelle dépasse les 60 % et que la pauvreté touche 37 % des 45 millions d’habitants, le climat social en Argentine se fait de plus en plus tendu. Ainsi, des milliers d’Argentins ont manifesté à Buenos Aires le jeudi 28 juillet pour réclamer des mesures sociales d’urgence. En effet, le gouvernement met en place une nouvelle gestion budgétaire afin de réduire le déficit public de 3 % en 2021 à 0,9 % du PIB en 2014, après avoir renégocié avec le Fond Monétaire International le rééchelonnement d’un prêt de 44 milliards dollars contracté en 2018. Cette discipline budgétaire affecte surtout les plus pauvres, entraînant un des taux d’inflation les plus élevés au monde et donc un effondrement du pouvoir d’achat.

Sur la place de Mai, on peut voir les banderoles des mouvements piqueteros, des mouvements sociaux apparus en Argentine au cours des années 1990 dans un contexte de privatisations et de licenciements dans le secteur industriel. Les militants réclament une amélioration des conditions de vie, notamment l’instauration d’un « salaire universel » équivalent à deux paniers alimentaires de base pour un adulte, soit environ 67 000 pesos (environ 510 dollars) pour les personnes les plus précaires.

Certains militants estiment ainsi que la prime de 11 000 pesos, soit environ 80 dollars, que le gouvernement a promis mardi 26 juillet aux bénéficiaires des programmes sociaux ne suffit pas, car cela concerne seulement un million deux cent milles personnes, et pas la partie de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté tout en ayant un emploi formel.

À quelques rues, sur la place de l’Obélisque, d’autres organisations sociales et syndicales, qui jusque-là soutenaient le gouvernement, manifestent. Oscar de Isasi, secrétaire général du deuxième syndicat du pays, lance ainsi un avertissement au président : « Alberto Fernandez doit savoir que s’il décide de prendre le chemin de l’austérité, nous allons descendre dans les rues par milliers ! » et les organisations sociales annoncent déjà une nouvelle mobilisation le 7 août prochain.

Afin d’endiguer cette crise politique et économique, Alberto Fernandez a donc annoncé la nomination de Sergio Massa en tant que « super-ministre » de l’Économie. Cette nomination fusionne les ministères de l’Économie dirigé par Silvina Batakis depuis le 4 juillet, et du Développement et de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, dirigé par Daniel Scioli depuis le 15 juin.

Silvina Batakis quittera ainsi la tête du Ministère de l’Economie pour prendre la présidence de la Banque de la Nation argentine, une institution financière publique, après avoir rencontré à Washington la Directrice générale du FMI, Kristalina Gergieva. Quant à Daniel Scioli, il n’est pas encore clair s’il restera à son poste.

Qui est Sergio Massa ?

M. Massa est un avocat de 50 ans qui a derrière lui une longue carrière politique. Pendant des années membre de l’Union du centre démocratique, où il a notamment été président de la Jeunesse libérale, il a rejoint le Parti Justicialiste au milieu des années 1990, séduit par la déclinaison néolibérale du péronisme. Il a ensuite succédé à Alberto Fernández comme Chef du cabinet des ministres, du 23 juillet 2008 au 8 juillet 2009, durant la présidence de Cristina Fernández de Kirchner, actuelle vice-présidente et principale cheffe politique du péronisme. Mais il quitte finalement le gouvernement, le jugeant trop à gauche.

Généralement qualifié de « péroniste de droite », son parti, le Front Rénovateur, rassemble près de 25% des voix aux élections législatives de 2013 et il termine à la troisième place aux élections présidentielles de 2015 avec 21% des suffrages. Il soutient en 2019 la candidature à l’élection présidentielle d’Alberto Fernández et devient, le 10 décembre 2019, président de la Chambre des députés d’Argentine. Apportant aujourd’hui au gouvernement sa stature politique et ses bons contacts avec les États-Unis, M. Massa prendra ses fonctions une fois que, selon un communiqué de la présidence, « la démission de son siège [parlementaire] aura été réglée ».

Anna REVEL