Le 26 juillet : une mobilisation géante contre les assassinats politiques en Colombie

Des milliers de Colombiens ont défilé dans une cinquantaine de villes du pays le 26 juillet dernier, pour dénoncer les crimes et assassinats de centaines de militants, de paysans et d’indigènes dans le pays. Entre janvier 2016 et aujourd’hui, d’après l’institut pour le développement de la paix colombien (Indepaz), 756 leaders sociaux, paysans et indigènes ainsi que des ex-membres des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie, dissoutes en 2017) ont été assassinés.

Photo : Espaces Latinos

Dans une centaine de villes du monde, en incluant une cinquantaine de villes colombiennes, des citoyens se sont joints aux Colombiens pour exiger l’arrêt de la violence et de l’impunité, suite à l’appel d’une marche pour la vie et la défense des leaders sociaux et défenseurs des droits de l’homme colombiens. Les organisateurs de la marche ont demandé à Héctor Abad Faciolince, grande figure de la littérature colombienne, d’être leur porte-voix. 

L’initiative est une réponse à l’indignation généralisée provoquée par les assassinats des leaders sociaux d’Antioquia, Cauca, Chocó, Valle Del Cauca, Córdoba, Nariño, Caquetá, Santander, Cesar et d’autres régions de Colombie. Les victimes faisaient partie d’organisations paysannes, indigènes, des communautés d’Afro-descendants ainsi que des anciens membres des Farc démobilisés. 

Le cri d’un enfant

L’indignation est arrivée à son comble le 21 juin après l’assassinat de María del Pilar Hurtado, leader social à Tierra Alta (Córdoba), criblée de balles devant sa famille et sous les yeux de son fils de 12 ans. Cet événement a été le déclencheur d’une mobilisation générale en Colombie, et de l’appel international à manifester le 26 juillet dernier. Ce crime fait partie d’un contexte de violence accrue avec déjà plus de 700 militants assassinés. En moyenne, tous les trois jours, un dirigeant social est assassiné, et 90 % de ces crimes ne sont pas élucidés, restant donc dans l’impunité.

L’image d’un enfant désespéré qui crie et frappe contre le mur devant le corps inerte de sa mère est insupportable. Une des personnes de la communauté qui a assisté à ce crime a enregistré la scène, provocant une clameur nationale en Colombie, et l’indignation de tous les Colombiens au-delà des différences politiques. Selon la Fiscalía General de la Nación (équivalent du Procureur), 66 % des assassinats ont lieu dans les zones rurales et 34 % dans les zones urbaines. 

María del Pilar Hurtado, 34 ans, dirigeante de la fondation de victimes «Adelante con Fortaleza» (Funviavor) de la région du Cauca, était arrivée à Tierralta (Córdoba) il y a un an avec sa famille, pour se protéger des menaces qu’elle avait reçues suite à ses dénonciations sur des lieux de tortures, de crimes et de disparitions. Elle était devenue une cible des paramilitaires soupçonnés d’en être les auteurs. 

Les AGC (Autodefensas Gaitanistas de Colombia), des «paramilitaires», faisant partie des groupes d’autodéfense Unidas de Colombie avant leur démobilisation, selon les habitants de Tierralta, «se sont imposés comme l’acteur armé illégal principal, présents dans la totalité des municipalités et territoires au sud de Córdoba». «Ils portent des armes, des moyens de télécommunication, s’habillent en civil le jour et en noir ou en uniforme de camouflage pendant la nuit». Les AGC contrôlent aussi les cultures de coca et les exploitations illégales d’or ainsi que leur transit vers les côtes. D’après le Défenseur du peuple, une institution colombienne, le plus inquiétant est leur expansion territoriale. 

Un groupe de 38 eurodéputés a adressé une lettre à Federica Mogherini, la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, dans laquelle ils expriment leur profonde inquiétude concernant la sécurité des défenseurs des droits de l’homme en Colombie et l’avenir des Accords de paix. 

Cette journée de mobilisation a été lancée après que le Défenseur du peuple a dénoncé les meurtres de militants pour les droits de l’homme dans le pays. «Le silence, c’est l’indifférence», ont dénoncé les manifestants réunis sur la place Bolivar à Bogotá, où ont afflué des milliers de personnes portant des bougies, des banderoles et des silhouettes représentant les victimes.

Pour les organisations sociales, il est urgent que l’État, qui a eu du mal à admettre le caractère systémique de ces crimes, élabore une politique publique de protection des dirigeants sociaux, qui soit construite avec la participation des communautés. Cependant, le président de droite Iván Duque, continue de fermer les yeux. Ce panorama dramatique est le contexte dans lequel se préparent les élections colombiennes en octobre prochain. 

Olga BARRY