«Joel, une enfance en Patagonie», un film de l’Argentin Carlos Sorín sur l’adoption

Le nouveau film du réalisateur argentin Carlos Sorín, Joel, sortira dans les salles obscures françaises le 10 juillet prochain. Dans ce drame, le réalisateur dresse le portrait d’un village patagonien secoué par la venue d’un nouvel jeune habitant au passé tourmenté.

Photo : Allociné

Carlos Sorín est un cinéaste rare. En 1988, il réalise son premier film, La pelicula del Rey,qui obtint le Lion d’argent à Venise et le Goya espagnol du meilleur film étranger. Il s’est ensuite retiré du cinéma pour se tourner vers la publicité jusqu’en 2002 avec Historias minimas, l’histoire d’un grand père filmé en Patagonie. Que ce soit le tendre Bombón el perro (2004), rencontre entre un chien et un chômeur, ou Jours de pêche enPatagonie (2012), tous ses films se déroulent à l’extrémité du Cono Sur. Nous l’avions par ailleurs rencontré au Cinelatino de Toulouse en 2011.

Dans Joel, une enfance en Patagonie, Sorín ne fait pas d’entorse à la règle en situant son œuvre en Terre de Feu. Dès la première image, le décor est planté : une femme, Cecilia, marche sur une route enneigée. Elle va retrouver son mari Diego qui travaille dans une exploitation forestière, pour lui annoncer que leur demande d’adoption a enfin été acceptée. A partir de cet événement, le réalisateur nous dirige vers une critique sociale de cette ville isolée. Joel, originaire de Buenos Aires, n’a pas cinq ans, comme précisé par l’agence d’adoption, mais neuf, et a un passé tourmenté de par les traumatismes qu’il a déjà accumulé à son jeune âge. La première partie du film nous montre, avec beaucoup de pudeur et de retenue, comment les parents et l’enfant vont tenter de s’apprivoiser.

L’interprétation de l’acteur enfant est très convaincante de par sa fragilité et sa retenue. Les rôles de Cecilia et Diego sont interprétés par Victoria Almeida et Diego Gentille, dont les rôles sont complémentaires sur des registres bien différents. On découvre dans la distribution Ana Katz, également réalisatrice (La niña errante et Mi amiga del parque).

Carlos Sorín propose une mise en scène réussie avec un rythme plus soutenu que dans certains de ses films où il jouait plus volontiers sur les éléments naturels. Dans la seconde partie du film, le réalisateur nous dévoile comment l’arrivée du « trublion » bouleverse l’équilibre du village, aboutissant finalement sur la discrimination et le rejet de l’autre. La communauté, déjà bien isolée du monde par les conditions géographiques et climatiques, se replie encore plus sur elle-même face au problème, comme si aucun événement n’était en mesure de l’atteindre, et surtout pas une histoire de drogue. C’est aussi un tableau très réaliste et sans concession d’un microcosme replié sur lui-même auquel aucune institution n’échappe ; les hésitations de l’église et de l’école seront dévastatrices. Joel, aborde avec élégance le thème délicat de l’adoption tardive, dans un pays où peu d’adoptants acceptent un enfant de plus de huit ans.

Alain LIATARD
D’après la présentation de Michel Dulac
pour le festival Les Reflets de Villeurbanne

Joel, une enfance en Patagonie de Carlos Sorín, Drame, Argentine, 1 h 39 – Voir la bande annonce