Les relations étaient tendues entre le Mexique et les États-Unis depuis la prise de fonctions de Donald Trump en janvier 2017, après une campagne présidentielle marquée par des discours anti-mexicains. Obsédé par la sécurité le long de la frontière, Trump avait proposé de construire un mur de 3000 km de long, qui serait financé par le Mexique. Mike Pompeo, chef de la diplomatie étasunienne, était au Mexique le 13 juillet dernier pour rencontrer le nouveau président élu, Andrés Manuel López Obrador.
Photo : Radio Canada
Andrés Manuel López Obrador, pour sa part, a promis durant sa campagne de remettre Trump «à sa place», mais après le premier appel téléphonique post-élections, les deux dirigeants ont semblé vouloir tisser une bonne relation. C’est l’avis de l’analyste politique Carin Zissis, du centre de réflexion Americas Society and Council of the Americas : «On disait que López Obrador pourrait être très anti-Trump», mais il y a «une opportunité pour les deux camps de travailler ensemble» et de «réinventer la relation dans ce moment crucial».
«Félicitations, comme vous pouvez le voir, Monsieur le Président, les États-Unis apprécient grandement notre relation avec le Mexique, vous avez quatre dirigeants les plus importants ici, juste après votre élection.» Ainsi présenta Mike Pompeo, le 13 juillet dernier, les «poids lourds» de Trump à l’équipe de López Obrador, connu sous l’acronyme AMLO. La délégation était composée du secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, de Jared Kushner, le gendre de Trump et conseiller à la Maison-Blanche, et de la secrétaire à la Sécurité intérieure Kirstjen Nielsen.
La rencontre avec le futur gouvernement du Mexique, qui doit prendre ses fonctions le 1er décembre, a été immortalisée par des photographies rendues publiques où l’on voit la délégation étasunienne devant une peinture de Benito Juárez*, figure emblématique de la vie politique du Mexique au XIXe siècle. «Nous voulions venir ici pour vous informer que le président Trump est profondément préoccupé par le succès des relations entre nos deux pays, nous savons qu’il y a eu des problèmes, mais le président Trump est déterminé à améliorer et à renforcer les relations entre nos peuples», a déclaré Pompeo à AMLO.
Le secrétaire d’État des États-Unis a également souligné la nécessité de continuer à «combattre les dangereuses organisations criminelles internationales» comme le trafic de drogues et d’armes, sans oublier les questions comme l’immigration et la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui lie les deux pays et le Canada depuis 1994. Mais avant de rencontrer López Obrador, les émissaires de Washington se sont entretenus avec le président sortant Enrique Peña Nieto et son ministre des Affaires étrangères, Luis Videgaray. Peña Nieto a exprimé «sa préoccupation à l’égard de la politique de séparation des familles de migrants» aux États-Unis et a demandé le «rapide regroupement des familles séparées». Peña Nieto a fait ainsi allusion à la politique Trump de «tolérance zéro» qui a conduit à la séparation de leurs parents de plus de 2.300 enfants immigrés après avoir traversés la frontière.
Or ce n’est qu’en découvrant les ferments du problème migratoire des Mexicains et des Centraméricains vers le grand voisin du Nord que l’on pourra espérer en venir à bout. Pour le nouveau président mexicain, il est clair qu’il faut privilégier la prévention à la répression : López Obrador a proposé de s’attaquer à ces causes, telles que la violence et la pauvreté, avec l’aide des États-Unis. Le sujet polémique du mur à la frontière n’a quant à lui pas été évoqué durant la rencontre.
Dans le même registre, l’ancien maire de Mexico et prochain ministre des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, a déclaré en conférence de presse que la discussion a porté sur les efforts nécessaires à mener en matière de développement au Mexique, ainsi qu’en Amérique centrale, pour que cessent les migrations. Et il a conclu : «Ça a été un dialogue franc, respectueux, cordial, une première conversation réussie, je pense que nous pouvons avoir un optimisme raisonnable» et que le Mexique parviendra à «améliorer sa relation avec les États-Unis».
Eduardo UGOLINI
* La présence d’une peinture de Benito Juárez lors de cette rencontre n’est pas anodine. Benito Pablo Juárez García (1806-1872), avocat d’origine indienne, fut élu président en 1861 grâce à l’appui des États-Unis, avec lesquels il avait signé quelques années auparavant le traité McLane-Ocampo, qui ne sera pas ratifié par le Congrès car il mettait en danger la souveraineté nationale. Entre-temps, la suspension du règlement des dettes extérieures provoqua l’expédition de troupes françaises qui occupèrent la capitale Mexico (1863), et le pays fut érigé en empire par Maximilien d’Autriche. C’est alors que Benito Juárez devint le héros de la résistance : il se replie dans le Nord avec son gouvernement et, après l’effondrement de l’Empire de Maximilien, il rentre à Mexico (1867) et est réélu président.