La lutte sans fin contre la corruption des gouvernants guatémaltèques. Quatre présidents mis en examen

Après la démission forcée de l’ancien président guatémaltèque Otto Pérez Molina et les accusations contre l’actuel président Jimmy Morales, c’est au tour des anciens présidents Álvaro Colom et Álvaro Arzú d’être mis en examen pour diverses affaires de corruption. Dénoncée depuis longtemps par les organisations de défense des droits de l’homme au sein du pays et à l’international, la corruption est un véritable fléau au Guatemala. 

Photo : elcaribe.com.co et revistaperrabravo.com

En 2015, le président Otto Pérez Molina (2012-2015) et sa vice-présidente Roxana Baldetti ont dû démissionner sous la pression de dizaines de milliers de Guatémaltèques qui, lassés de la corruption aux plus hauts niveaux de l’État, s’étaient réunis devant le palais présidentiel. Le président et sa vice-présidente étaient alors accusés de fraude fiscale, d’enrichissement personnel et d’association de malfaiteurs suite à un mécanisme de corruption appelé « La Ligne » (téléphonique), par laquelle des entrepreneurs contactaient un département secret des douanes pour « négocier » des taxes d’importation dont les sommes étaient ensuite réparties entre 28 hauts fonctionnaires, desquels faisaient partie Otto Pérez Molina et Roxana Baldetti. L’enquête avait été menée par le ministère public de la procureure Thelma Aldana, et la CICIG (Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, une institution dépendant des Nations unies).

Álvaro Arzú, deuxième président accusé de corruption

Le 5 octobre dernier, la procureure Thelma Aldana et la CICIG demandaient à la justice de retirer à l’ancien président Álvaro Arzú (1996-2000), accusé de corruption, l’immunité dont il bénéficie du fait de sa position de maire de la capitale Ciudad de Guatemala, à la tête de laquelle il brigue actuellement son 5e mandat. Selon l’accusation, il aurait créé entre 2013 et 2015 de faux emplois au profit d’une entreprise appartenant à Byron Lima, un officier de sa sécurité, et les aurait payés avec des fonds municipaux. — Byron Lima, condamné à 20 ans de prison pour sa possible implication dans l’assassinat en 1998 de l’évêque progressiste Juan Gerardi, purgeait sa peine lorsqu’il a été lui-même assassiné en 2016. D’après l’accusation, M. Arzú aurait également utilisé des fonds municipaux pour financer sa campagne électorale en 2015. Début mars 2018, la cour d’appel de Guatemala a cependant refusé de lui retirer son immunité. Le ministère public envisage de faire appel devant la Cour constitutionnelle.

Álvaro Colom, troisième président sur la sellette pour corruption

L’ancien président Álvaro Colom (2008-2012) vient d’être arrêté sur une accusation de fraude dans l’achat de centaines d’autobus destinés au service public de transport de la capitale lors de son mandat (on parle de 30 millions d’euros). Les prix d’achat auraient été surévalués. De plus, le parti du président (la UNE, Union nationale de l’Espoir, social-démocrate) avait présenté un projet de loi qui exonérait de la TVA et d’impôts l’achat de 3 500 véhicules. Cette loi avait ensuite été votée par 107 des 109 députés présents ! Ce qui conforte l’opinion publique du « Tous pourris ! » Neuf des anciens ministres de l’époque, accusés d’être partie prenante dans cette fraude éventuelle, ont également été mis en examen. Il s’agit ici aussi d’une enquête menée par le ministère public et la CICIG, décidément très actifs dans la lutte contre la corruption.

Jimmy Morales, actuel président, lui aussi accusé de corruption

Élu sur des promesses de « changement » et de « lutte contre la corruption », l’actuel président Jimmy Morales a bien déçu ses électeurs. Non seulement cette « lutte contre la corruption » est plutôt invisible, mais il est lui-même accusé de corruption par la procureure Aldana et la CICIG. M. Morales a voulu expulser le directeur de celle-ci, le Colombien Iván Velásquez, mais le tollé national et international l’a obligé à faire marche arrière. Ce qui prouve que le ministère public guatémaltèque, assisté par la CICIG est de plus en plus efficace dans sa bataille contre la corruption. La procureure Thelma Aldana avait demandé au Congrès de lever l’immunité présidentielle de Jimmy Morales pour pouvoir enquêter sur une accusation de financement électoral illicite en faveur du candidat présidentiel de l’époque. Non seulement le Congrès avait refusé, mais il avait approuvé une loi qui aurait permis à ses membres et au président de ne pas être envoyés en prison s’ils étaient condamnés pour les délits dont ils étaient accusés ! La Cour constitutionnelle a empêché que ces propositions deviennent des lois, mais depuis, toute l’administration cherche à expulser la CICIG et à démettre la procureure…

Dénoncée depuis longtemps par les organisations de défense des droits de l’homme au sein du pays et à l’international, la corruption est un véritable fléau au Guatemala. Ce qui indigne les citoyens, c’est qu’il semble que les plus corrompus se trouvent souvent aux plus hauts niveaux de l’État, ceux-là mêmes qui devraient lutter contre ce fléau. Reverra-t-on, malgré la répression violente, les électeurs redescendre dans la rue pour exiger de nouveau la démission du président ?

Jac FORTON