Le petit-fils de Salvador Allende demande l’arrestation de Henry Kissinger à la Norvège

Pablo Sepúlveda Allende a demandé à l’Institut Nobel d’Oslo de faire arrêter Henry Kissinger,  secrétaire d’État des États-Unis en 1973, pour son soutien à Pinochet, aux coups d’État militaires et au Plan  Condor. M. Kissinger avait déjà été requis par la justice française lors de son passage à Paris en 2001.

Invité par l’Institut Nobel et l’Université d’Oslo à la remise du Prix Nobel de la Paix à Juan Manuel Santos, président de la Colombie, Henry Kissinger est rattrapé pour son soutien au Plan Condor durant les années 70. Ce Plan consistait en une coopération des services secrets des dictatures du Cône sud pourchassant leurs opposants respectifs. De nombreux opposants ont disparu.

La fuite piteuse de M. Henry Kissinger de Paris.    En 1999, suite à l’arrestation du général Augusto Pinochet à Londres, le juge Roger Le Loire demande aux autorités britanniques l’autorisation d’interroger le détenu au sujet de la disparition de quatre citoyens français au Chili durant sa dictature (1). Le gouvernement britannique ne daigna même pas répondre à cette demande. Bien que requis par les justices espagnole, française et belge, et contre l’avis de la Cour suprême de la Chambre des Lords, le gouvernement de Tony Blair et son ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, libèrent le général après 503 jours d’arrestation à domicile et lui permettent de rentrer au Chili. Pinochet meurt en 2006 sans avoir pu être jugé malgré les efforts du juge chilien Juan Guzmán (2).

En mai 2001, Henry Kissinger, l’ancien secrétaire d’État (l’équivalent du ministre des Affaires étrangères) et conseiller spécial du président des États-Unis, est en visite à Paris. Le juge Le Loire lui fait parvenir une convocation au Palais de justice comme témoin dans les quatre disparitions et pour enquêter sur son rôle dans l’existence du Plan Condor et ses liens avec la dictature de Pinochet. M. Kissinger ne répond pas au juge et s’empresse de quitter le pays. Selon un article publié dans le Monde diplomatique (3), « Lorsque M. Kissinger parcourt la planète pour pontifier au tarif de 200.000 francs l’heure [30.000 euros], il évite désormais tout pays dont le système de justice pourrait l’importuner… »

 « Chère Norvège, arrêtez Henry Kissinger… »   C’est par ces mots que Pablo Sepúlveda Allende, petit-fils de l’ancien président Salvador Allende, commence une lettre adressée à l’Institut Nobel qui décerne les prix du même nom à des personnalités « ayant œuvré pour la paix dans le monde ». En tant que prix Nobel de la paix 1973, M. Kissinger avait été invité à la remise du Prix 2016 au président colombien Juan Manuel Santos qui  avait réussi à mettre fin à une guerre civile qui durait depuis plus de 50 ans dans son pays.

Pablo Allende s’insurge contre cette invitation : « Cet homme a aidé le coup d’État durant lequel mon grand-père est mort… Je suis choqué par cet hommage rendu à M. Kissinger, c’est une offense. Est-ce trop demander à un gouvernement qui affirme défendre la paix et les droits humains, comme le fait le norvégien, qu’il déclare ‘persona non grata’ à un criminel de guerre qui a une responsabilité directe dans un génocide, des tortures et des coups d’État ? Ou qu’il soit détenu et traduit en justice selon le droit international ? »  Et Sepúlveda Allende d’insister : « Quelqu’un dans votre institution aurait-il la force et la morale suffisantes pour retirer ce prix Nobel à M. Kissinger ? »

On peut rappeler que le Prix Nobel 1973 avait été attribué à Henry Kissinger, conseiller spécial du président Nixon, et à M. Le Duc Tho, chef de la délégation nord-vietnamienne, pour avoir signé les accords de paix mettant fin à la guerre du Vietnam. Le Duc Tho avait refusé le prix car « en réalité, la paix n’a pas été atteinte ». Le seul autre refus dans l’histoire du Prix Nobel fut celui du Français Jean-Paul Sartre en 1964. On sait que M. Kissinger ne reviendra jamais en France, mais qu’en sera-t-il de la Norvège l’année prochaine lorsque le Nobel sera de nouveau attribué ?

Jac FORTON

(1) Il s’agit de Etienne Pesle, Alphonse Chanfreau, Georges Klein et Jean-Yves Claudet.   (2) Voir le film Le juge et le général, DVD disponible à Maison latina, Grenoble.   (3) Le Monde Diplomatique d’octobre 2001, un article de Ibrahim Warde.