Vote-sanction aux municipales chiliennes

À un an des élections présidentielles, la coalition officielle Nouvelle majorité (centre gauche) est battue lors des élections municipales par la coalition Allez le  Chili (droite). Parmi les explications possibles : une erreur administrative de taille, une nomination politique douteuse (l’Opération Pacheco) et  un haut niveau d’abstention (66 %). Surprenants bons résultats des candidats indépendants.

Photo : Présidence de la république du Chili.

Les causes. Cette défaite de la coalition au pouvoir (37,05 % des voix) (1) face à l’opposition de droite (38,45 %) (2) est mise sur le compte de plusieurs facteurs.  Tout d’abord, une grave erreur administrative du Service électoral a fait que près de 500.000 personnes n’ont pas pu voter, le Servel ayant changé l’adresse de leur point de vote à quelques jours des élections. Ensuite, juste avant le scrutin, la présidente Michelle Bachelet « libère » son  ministre de l’Énergie, Máximo Pacheco,  pour qu’il devienne le chef de l’équipe de campagne de l’ancien président Ricardo Lagos en vue des prochaines élections présidentielles. Cette « intromission » de la présidente dans la course aux candidatures pour la primaire de la coalition est très mal ressentie par les autres partis et un secteur de l’opinion publique.

Une abstention massive. Non seulement 66 % des électeurs ont préféré rester à la maison, mais 4,7 % d’entre eux ont « annulé » leur bulletin et 3,95 % ont voté blanc. Les analystes politiques soulignent la désaffection des citoyens pour les partis, les politiciens ou la politique, ou les trois…  Pour le sénateur radical Alejandro Guiller, possible candidat présidentiel, « le taux d’abstention est une catastrophe pour la démocratie… Il faut sortir dans la rue et récupérer la confiance des citoyens car il existe une grande déception quant aux styles des conduites politiques dans le pays… Il n’est pas sûr que la coalition survive ». De son côté, le président du Parti Progressiste Marco Enriquez-Ominami fait remarquer : « il nous faut assumer le message : les Chiliens veulent le progressisme parce que, au total, nous avons reçu plus de vote que la droite. Mais la droite a su nous diviser… »

La surprise du jour : le vote en faveur des indépendants. Un autre indice qui montre la désaffection des électeurs pour le « duopôle » (les deux coalitions et leurs partis traditionnels) est le bon résultat des candidats indépendants : près d’un tiers d’entre eux a voté pour un indépendant de gauche ou de droite. Leur plus grande victoire est à Valparaiso, siège du Parlement. En juillet dernier, le « vote citoyen », une sorte de primaire organisée en juillet dernier par la rue avait amené plus de 5.000 personnes à voter pour Jorge Sharp, 31 ans, un jeune avocat  membre du Mouvement gauche autonome dont le président est Gabriel Boric, responsable étudiant connu pour ses manifestations en faveur d’une éducation de qualité à la portée financière de tous. La rue lui a donné raison : il est le nouveau maire (de gauche) de la ville. « Ce n’est pas que les gens évitent la politique, mais ils évitent définitivement les partis politiques… Le duopole est terminé, finies la corruption, l’injustice et les mauvaises pratiques… ». Vaste programme !

Les présidentielles de 2017, un combat des (vieux) chefs ?  Personne ne se fait d’illusion : ces municipales sont un bon indice de l’état de la conscience politique au Chili. Même si la victoire n’est pas vraiment considérable, la droite est bien sûr satisfaite : « C’est la première étape vers la reconquête du Palais présidentiel de La Moneda » annonce Hernán Larraín, le président de la UDI. La présidente Michelle Bachelet est consciente du danger : « Le Chili a parlé et … il nous faut entendre cet appel parce qu’il est fondé… Comme coalition, nous avons parfois montré plus de division que d’unité sur les thèmes qui sont importants pour les citoyens. »

Les présidentielles s’annoncent comme un combat entre deux anciens présidents. Ricardo Lagos (2000 à 2006) espère bien remporter les primaires de la coalition Nueva Mayoría. Sebastian Piñera (2010 à 2014)  ne s’est pas encore déclaré mais tout le monde sait qu’il sera le candidat de la droite.  Ces deux présidents avaient terminé leur mandat sans gloire ni trompettes…  Les prochaines présidentielles, un combat des vieux chefs ? Tout n’est pas joué cependant car Isabel Allende, fille de Salvador Allende et présidente de la Chambre des députés, se présentera peut-être aussi à la primaire de la Nueva Mayoría.  De même qu’Alejandro Guiller du Parti radical. Ces nouvelles personnalités de gauche pourront-elles remotiver les électeurs ? C’est peu probable car la grande majorité des électeurs ne se reconnaît pas dans les partis du duopôle. Alors, les regards se tournent vers les nouveaux partis et les visages indépendants…

Jac FORTON

(1) La Nueva Mayoria est formée par les Partis radical (PR), démocrate-chrétien (DC), social-démocrate (PPD), socialiste (PS) et communiste (PC). (2) La coalition Chile Vamos est composée des Partis Rénovation nationale (RN, droite) et Union démocrate indépendante (UDI, ultra conservatrice).