XIV DOCUMENTAL - 28 MAI - 20 JUIN - 2021

14° Festival Documental
« L’Amérique latine par l’image »
28 mai au 20 juin 2021 


REPRISE DE L’EDITION 2020

Le 14e festival Documental que nous avons reporté à cause de la crise sanitaire pour ce mois de mai et juin 2021, offre un éventail de huit films réalisés entre 2018 et 2020 en Amérique latine, pour l’essentiel par des Latino-Américains. C’est encore une fois l’occasion de saluer l’abondance des productions malgré des conditions de tournage et de financements difficiles dans la très grande majorité des pays du sous-continent. Une soixantaine de films ont été adressés à Nouveaux Espaces Latinos alors que l’appel à candidature est de courte durée et n’est assorti ni de récompenses financières, ni de garantie de diffusion pour les films pourtant consacrés par un jury de professionnels et le public. Cependant, ces difficultés ne font pas obstacle à des réalisations de qualité.

Le festival Documental, l’Amérique latine par l’image, est né au printemps 2007 avec un atout précieux : une équipe jeune, moderne et motivée. Dans les pays francophones d’Europe, il n’existait pas encore de manifestation dédiée exclusivement au documentaire latino-américain. Informer par l’image, expliquer et débattre après chaque projection en présence des réalisateurs et de spécialistes des thèmes des films en compétition étaient alors nos buts principaux et le restent encore aujourd’hui.

En regardant la soixantaine de films du cru 2020 on voit se dégager quelques caractéristiques nouvelles dans les réalisations. Elles ont des thématiques qui ne sont pas toutes originales, du moins pour ceux qui connaissent les maux endémiques de la majorité des pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Mais beaucoup de films ont un traitement original des sujets, approfondissent l’approche des personnages et le réalisateur, lui-même parfois protagoniste, construit ce qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de fiction ou d’autofiction. Ces procédés qui font place à une histoire et à l’émotion sont propres à révéler des morceaux de réel qu’un traitement journalistique ou militant ne fait pas toujours avec justesse.

Thématiques récurrentes et originalités

Le comité de sélection ne cherche pas à offrir « un échantillon représentatif », mais à retenir des films divers, de qualité, et propre à susciter des débats sur l’Amérique latine d’aujourd’hui. En 2020, la sélection rencontre des thématiques récurrentes sur les situations que connaissent les ethnies indigènes (Colombie, Équateur, Guatemala), les paysans (Colombie, Pérou), les minorités sexuelles au Brésil, les héritiers des années de dictature et de guerre civile (Pérou, Brésil, Colombie, Cuba, Venezuela). Elle fait aussi émerger des thématiques nouvelles où les arts viennent éclairer une autre Amérique latine (Argentine, Cuba).

Anciennes ou nouvelles, les thématiques sont souvent traitées avec originalité, comme si les difficultés du cinéma latino avaient malgré tout un avantage remarquable: la plupart des films échappent à la standardisation du format, de la construction et du style narratif. On voit bien que ces réalisations répondent à des nécessités autres que marchandes : celles du réalisateur, d’une communauté, d’un groupe militant, celles de contemporains qui veulent comprendre et témoigner sur des univers singuliers, peu visibles ou invisibles, locaux ou nationaux.

Parfois maladroits, le plus souvent maîtrisés techniquement, ces films ont presque toujours le charme de la fragilité et la force de la sincérité, ce qui permet au réel d’y faire effraction. Les protagonistes sont filmés sans regard de surplomb, la finalité et le résultat de leurs actions sont parfois incertains et les commentaires ne viennent pas dire aux spectateurs ce qu’il convient de penser. Ainsi, on trouve de plus en plus de réalisateurs pour qui la caméra n’est pas forcément une arme de combat comme le serait la plume d’un essayiste engagé ou le crayon d’un caricaturiste politique.

Une subjectivité assumée

En 2020, certains documentaires ont une dimension subjective assumée, frisant la fiction ou l’autofiction. Le film brésilien Je te dois une lettre sur le Brésil de la réalisatrice Carol Benjamin est exemplaire à cet égard.  À la recherche de la vérité sur le passé du père, la réalisatrice s’inclut dans la narration et ne prétend pas à l’objectivité.  À travers la reconstruction du passé familial elle interroge aussi le passé de la dictature militaire qui fait retour dans le Brésil de Jair Bolsonaro, présent sans être nommé ni montré mais qui colore le film. C’est douloureux et efficace. Quelquefois, l’approche délibérément documentaire se donne un objet flou : on comprend que le propos n’est pas de présenter un problème de société ou de défendre une thèse mais de raconter une histoire et même une microhistoire qui prend toute sa dimension reliée sur fond d’Histoire. Émigrer ou rester ? Pétrole ou forêt ? La haine sans fin ou le futur ?  Moins ample dans son propos de départ, le film argentin Le chant du temps, vagabonde, prend son temps dans la découverte respectueuse d’une culture portée par des enfants d’une communauté guarani. Les chants ancestraux viennent féconder une création musicale contemporaine de deux protagonistes profondément artistes et touchants d’humanité.

Personnages

L’importance accordée aux personnages des documentaires les rapprochent également des films de fiction. L’effacement de prototypes interchangeables ou de personnages représentatifs d’un collectif (le paysan, le prêtre, le policier, l’ouvrier…) a lieu au profit de personnages singuliers et parfois originaux. On les suit dans la lumière et dans l’intimité, ils prennent consistance et, devenant attachants, ils dévoilent avec plus de force les difficultés de leur quotidien, leurs déchirements, leurs cicatrices encore vives ou leur désir d’avenir comme cela se voit dans Tout va bien de Tuki Jencquel (Venezuela), Troperos de Nicolas Detry (Argentine) ou Indianara de Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa (Brésil). Les questions peuvent être un système de santé, un métier en voie de disparition, un présent de cendres mal éteintes, une création en cours de réalisation. Ces univers multiples sont riches de plis et de vies.

Un suspens des explications clé en main produit une émotion et une attention bien plus fortes que ne le ferait une résolution affichée ou une cause entendue dès le départ. Dans une époque où les épopées révolutionnaires sont déçues et les grands récits déconstruits, le réel refait surface.  Le documentaire latino-américain « fictionné » y contribue pour sa part, avec efficacité, sans rendre les armes de la critique mais en y ajoutant une autre pratique du cinéma.

Maurice NAHORY

Le visuel 2020 du 14e festival Documental, l’Amérique latine par l’image, nous a été proposé par Maryline Dubruc

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